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Page:Sand - La comtesse de Rudolstadt, 2e série.djvu/228

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sur un rythme d’une largeur et d’une simplicité antiques : Ô hymen ! ô hyménée ! La musique était du Porpora, à qui on avait envoyé les paroles, en lui demandant un chant d’épithalame pour un mariage illustre ; et on l’avait dignement récompensé, sans qu’il sût de quelles mains venait le bienfait. Comme Mozart, à la veille d’expirer, devait trouver un jour sa plus sublime inspiration pour un Requiem mystérieusement commandé, le vieux Porpora avait retrouvé tout le génie de sa jeunesse pour écrire un chant d’hyménée, dont le mystère poétique avait réveillé son imagination. Dès les premières mesures, Consuelo reconnut le style de son maître chéri ; et, se détachant avec effort des regards de son amant, elle se tourna vers les coryphées pour y chercher son père adoptif ; mais son esprit seul était là. Parmi ceux qui s’en étaient faits les dignes interprètes, Consuelo reconnut plusieurs amis, Frédéric de Trenck, le Porporino, le jeune Benda, le comte Golowkin, Schubart, le chevalier d’Éon, qu’elle avait connu à Berlin, et dont, ainsi que toute l’Europe, elle ignorait le sexe véritable ; le comte de Saint-Germain, le chancelier Coccei, époux de la Barberini, le libraire Nicolaï, Gottlieb, dont la belle voix dominait toutes les autres, enfin Marcus, qu’un mouvement de Wanda lui désigna énergiquement, et qu’un instinct sympathique lui avait fait reconnaître d’avance pour le guide qui l’avait présentée, et qui remplissait auprès d’elle les fonctions de parrain ou de père putatif. Tous les Invisibles avaient ouvert et rejeté sur leurs épaules les longues robes noires, à l’aspect lugubre. Un costume pourpre et blanc, élégant, simple, et rehaussé d’une chaîne d’or, qui portait les insignes de l’ordre, donnait à leur groupe un aspect de fête. Leur masque était passé autour de leur poignet, tout prêt à être remis sur le visage, au moindre signal