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Page:Sand - La comtesse de Rudolstadt, 2e série.djvu/63

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ches oppresseurs durant leur vie, spectres désolés et menaçants après leur mort. Le tonnerre élevait la voix, le vent faisait crouler les briques et le ciment des murailles démantelées, les longs rameaux de la ronce et du lierre se tordaient comme des serpents aux créneaux des tours. Consuelo, cherchant toujours un abri contre la pluie et les éboulements, pénétra sous la voûte d’un escalier qui paraissait mieux conservé que les autres ; c’était celui de la grande tour féodale, la plus ancienne et la plus solide construction de tout l’édifice. Au bout de vingt marches, elle rencontra une grande salle octogone qui occupait tout l’intérieur de la tour, l’escalier en vis étant pratiqué, comme dans toutes les constructions de ce genre, dans l’intérieur du mur, épais de dix-huit à vingt pieds. La voûte de cette salle avait la forme intérieure d’une ruche. Il n’y avait plus ni portes ni fenêtres ; mais ces ouvertures étaient si étroites et si profondes, que le vent ne pouvait s’y engouffrer. Consuelo résolut d’attendre en ce lieu la fin de la tempête ; et, s’approchant d’une fenêtre, elle y resta plus d’une heure à contempler le spectacle imposant du ciel embrasé, et à écouter les voix terribles de l’orage.

Enfin le vent tomba, les nuées se dissipèrent, et Consuelo songea à se retirer ; mais en se retournant, elle fut surprise de voir une clarté plus permanente que celle des éclairs régner dans l’intérieur de la salle. Cette clarté, après avoir hésité, pour ainsi dire, grandit et remplit toute la voûte, tandis qu’un léger pétillement se faisait entendre dans la cheminée. Consuelo regarda de ce côté, et vit sous le demi-cintre de cet âtre antique, énorme gueule béante devant elle, un feu de branches qui venait de s’allumer comme de lui-même. Elle s’en approcha, et remarqua des bûches à demi consumées, et tous les débris d’un feu naguère entre-