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Page:Sand - Le compagnon du tour de France, tome 1.djvu/105

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bien des ressentiments funestes, restassent debout, et fussent légués en héritage de génération en génération jusqu’à nos jours. La cause est oubliée, perdue ou dénaturée dans la nuit de la tradition ; mais la passion subsiste. N’allez pas en Corse chercher la poésie tragique de la vendetta : elle est à votre porte, elle est dans votre maison. Le tailleur de pierres qui a élevé votre demeure est l’irréconciliable ennemi du charpentier qui l’a couverte ; et pour un mot, pour un signe, pour un regard, leur sang a coulé sur cette pierre, écusson de leur noblesse, fondement mystique de leur droit.

Il y a deux sociétés de fondation immémoriale ; nous venons de les nommer[1]. De ces deux sociétés, ou de l’une des deux est issue une troisième société : celle de l’Union ou des Indépendants, dits les Révoltés. Elle fut créée en 1830 à Bordeaux, par des aspirants qui se révoltèrent contre leurs compagnons. À Lyon, à Marseille, à Nantes, de nombreux insurgés du même ordre se joignirent à eux et constituèrent l’Union. Une quatrième société est celle du Père Soubise, qui se dit aussi Dévorante. Ainsi quatre sociétés principales ou Devoirs, qui se composent chacune de plusieurs corps de métiers, et auxquelles se rattachent de nombreuses adjonctions d’institution plus ou moins récente, les unes acceptées cordialement, les autres repoussées avec acharnement par les sociétés auxquelles elles veulent s’unir de gré ou de force.

Il faudrait tout un livre pour énumérer toutes les sociétés, leurs prétentions, leurs titres, leurs statuts, leurs origines, leurs coutumes et leurs relations mutuelles. Telle société est alliée à une autre : par exemple les enfants du Père Soubise s’honorent d’être, comme ceux de Maître Jacques, compagnons du Devoir, et n’en vivent pas en

  1. Voyez le livre du Compagnonnage, par Agricol Perdiguier, dit Avignonnais-la-Vertu.