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Page:Sand - Le compagnon du tour de France, tome 1.djvu/133

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n’eût pu le débiter. Si tout le mérite d’un compagnon est de connaître les livres et de parler comme eux, honneur à vous, pays Villepreux l’Ami-du-trait ! Vous en savez plus long que nous tous ; et si vous aviez affaire à des femmes, vous les feriez peut-être pleurer. Mais nous sommes des hommes, des enfants de Salomon ; et si la gloire d’un compagnon du Devoir de liberté est de soutenir sa société, de se dévouer corps et âme pour elle, de repousser l’injure, de lui faire un rempart de sa poitrine, honte à vous, pays Villepreux ! car vous avez mal parlé, et vous mériteriez d’être réprimandé. Comment donc ! nous avons écouté jusqu’au bout les conseils d’une lâche prudence, et nous ne nous sommes pas indignés ? On nous a dit qu’il fallait abjurer notre honneur, oublier le meurtre de nos frères, tendre la joue aux soufflets, rayer notre nom apparemment du tour de France, et nous avons écouté tout cela patiemment ! Vous voyez bien, pays Villepreux, que nous sommes doux et modérés autant qu’on peut l’être. Vous voyez bien que nous avons le respect du Devoir et la fraternité du compagnonnage bien avant dans le cœur, puisque nous ne vous avons pas réduit au silence comme un insensé, ou jeté hors d’ici comme un faux frère. Vous avez une si belle réputation, et vous avez été revêtu de dignités si éminentes dans la société, que nous persistons à croire vos intentions bonnes et votre cœur droit. Mais votre esprit s’est égaré dans les livres, et ceci doit servir d’enseignement à tous ceux qui vous ont entendu. Qui en sait trop, n’en sait pas assez ; et quiconque apprend beaucoup de choses inutiles, risque d’oublier les plus nécessaires, les plus sacrées.

D’autres orateurs plus véhéments encore renchérirent sur l’indignation de celui-là, et bientôt une discussion violente s’engagea contre Pierre Huguenin. Il répondit