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Page:Sand - Le compagnon du tour de France, tome 1.djvu/190

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Berrichon en riant, parce que je sais que vous ne les aimez pas, les Compagnons.

— Ah ! ah ! vous êtes dans le Compagnonnage ? grommela le père Huguenin, partagé entre sa vieille rancune et je ne sais quelle sympathie subite.

— Oui, oui, continua le Berrichon qui avait au moins l’esprit de savoir plaisanter sur sa laideur ; nous sommes dans le Devoir des beaux garçons, et c’est moi qui suis le porte-enseigne de ce régiment-là.

— Nous ne connaissons qu’un devoir ici, dit le Corinthien en jouant sur le mot, celui de vous bien servir.

— Que Dieu vous entende ! répliqua le père Huguenin ; et il s’enfonça avec accablement dans ses couvertures.

Cependant il dormit paisiblement, et le lendemain, se sentant mieux, il alla visiter ses compagnons. Il les trouva travaillant de grand cœur, faisant bien marcher les apprentis, et taillant d’aussi bonne besogne que Pierre Huguenin lui-même. Rassuré sur son entreprise, réconcilié avec M. Lerebours, qui jusqu’alors l’avait boudé, plein d’espérance, il s’en retourna au lit ; et bientôt il fut tout à fait sur pied pour recevoir son fils, qui arriva trois jours après dans la soirée.

Un calme céleste se peignait sur le front de Pierre Huguenin. Sa conscience lui rendait bon témoignage, et sa gravité ordinaire était tempérée par une satisfaction intérieure qui se communiqua comme magnétiquement à son père. Interrogé par lui sur la cause de son retard, il lui répondit :

— Permettez-moi, mon bon père, de ne pas entrer dans une justification qui prendrait du temps. Quand vous l’exigerez, je vous raconterai ce que j’ai fait à Blois ; mais veuillez m’envoyer tout de suite auprès de mes compagnons, et vous contenter de la parole que je vous donne. Oui, je puis jurer sur l’honneur que je n’ai fait