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Page:Sand - Le compagnon du tour de France, tome 1.djvu/197

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cartes et le raillant ouvertement sans qu’il voulût s’en apercevoir ; ce serait grand dommage. Si j’avais le bonheur de m’appeler Isidore Lerebours, je ne me risquerais pas ainsi.

La marquise des Frenays, que M. Lerebours ennuyait beaucoup avec ses compliments, prit la parole d’une voix douce et flûtée.

— Vous êtes bien sévère, monsieur Isidore ! dit-elle avec son parler enfantin et coquet. Moi, j’ai traversé par hasard la bibliothèque, et j’ai trouvé la nouvelle boiserie aussi jolie et aussi bien faite que l’ancienne. Comme elle est belle, cette boiserie ! Vous avez eu bien raison de la faire réparer, mon oncle ; ce sera d’un goût parfait et tout à fait de mode.

— De mode ? s’écria judicieusement Isidore ; il y a plus de trois cents ans qu’elle est faite.

— Tu as trouvé cela tout seul ? dit le comte.

— Mais il me semble… reprit Isidore.

— C’est la mode à présent ! interrompit avec humeur le curé, à qui le babil d’Isidore donnait des distractions. Toutes les vieilles modes reviennent… Mais laissez-nous donc jouer, monsieur Isidore.

M. Lerebours lança un regard terrible à son fils, qui, satisfait d’avoir pu porter le premier coup à Pierre Huguenin, s’approcha des dames. Mademoiselle Yseult avait pour lui une si invincible répugnance qu’elle se leva et changea de place. Madame des Frenays, moins délicate de nerfs, ne se refusa point à lier conversation avec l’employé aux ponts et chaussées. Elle le questionna sur la bibliothèque et sur ce Pierre Huguenin dont il disait tant de mal ; enfin elle lui demanda lequel, parmi les ouvriers qu’elle avait vus le matin en traversant l’atelier, était Pierre Huguenin. — Il y en a un qui m’a paru avoir une figure distinguée, dit-elle avec une grande ingénuité.