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Page:Sand - Theatre de Nohant.djvu/386

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comme les autres, que je n’ai nulle estime et nulle amitié pour toi. Tu m’as toujours représenté un de ces mendiants souples et insatiables qui dévorent la subsistance des autres et qui boivent le pain des pauvres.

DESŒILLETS.

Tiens ! tu me plais, toi ! Tu méprisais la pauvre humanité… la… bien cordialement !

FLORIMOND, prenant un siège.

Oui ! nous sommes deux misanthropes ! avec cette différence que, si je dis parfois des paroles fâcheuses, je ne me porte point à de méchantes actions, tandis que, toi dont l’aiguillon est toujours enduit de miel, tu as peut-être l’âme perverse et la morsure venimeuse.

DESŒILLETS.

Dis tout ce que tu voudras, j’y suis fait. Quand tu auras goûté ce petit vin du Rhône que tu ne haïs point…

FLORIMOND.

Moi, je ne rougis point d’aimer le vin, et ne fais point le retenu, le buveur d’eau, en bonne compagnie. Allons, verse ! et ne crois point qu’en te faisant l’honneur de humer ton piot, j’aie du goût pour ton entretien. Ce que j’en fais n’est que pour étourdir mes esprits et tâcher d’oublier le chagrin qui m’assomme !

DESŒILLETS.

Je confesse que votre situation n’est point riante. Se trouver tout d’un coup fort court d’argent ! Car aucun de vous n’avait fait d’économies ? Vous dépensiez beaucoup pour vos affiquets de chasse, M. Fabio pour ses affiquets de toilette, M. Marielle pour obliger le tiers et le quart !… Ah ! la misère est une chienne de maladie !

FLORIMOND.

Faites-nous grâce de vos doléances. Je m’embarrasse fort peu de ce que je deviendrai. J’ai du talent, de la santé, je saurai toujours assurer mon vivre ; mais perdre Marielle !… (Il repousse son verre.)