Page:Sand - Tour de Percemont.djvu/188

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sans culture et par conséquent sans réflexion. Elle n’a aucune philosophie pour se créer une loi à elle-même, aucune appréciation de la vie sociale et des obligations qu’elle impose. Elle se fait du devoir une idée fantastique, elle cherche le sien dans des combinaisons de roman, elle n’a pas la moindre idée de la plus simple des obligations morales. Il lui plaît de quitter le couvent avant l’heure très-prochaine que la loi fixait à sa délivrance ; elle ne saurait pas trouver un appui sérieux pour cette équipée, elle accepte celui d’une femme qui spécule sur la libéralité des prétendants qu’elle lui recrute. Elle trouve donc naturel d’accepter Jacques Ormonde pour son libérateur, elle va passer huit jours en tête-à-tête avec lui, et, comme il ne lui inspire pas d’amour, je comprends ça, elle se soucie fort peu de celui qu’il peut éprouver, des espérances qu’il doit concevoir, des colères et des souffrances qu’elle lui impose.

— Mon père, elle les ignore, elle ne se doute pas de ce que l’amour peut être !

— Tant pis pour elle ! Ce qu’une femme ne sait pas, il faut qu’elle le devine ; autrement il n’y a pas de femme, il y a un être hybride, mystérieux, suspect, dont on peut tout craindre. Qui sait où l’éveil des sens peut entraîner celui-ci ? Je crois, moi, que déjà les sens jouent un grand rôle dans cette angélique chasteté qui