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Page:Sandre - Le purgatoire, 1924.djvu/127

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fenêtre fermée, porte ouverte

no 28 ce qu’il restait d’officiers dans les deux autres chambres. La quatrième journée, qui devait être la dernière, fut la plus lente. Elle ne fut marquée par rien, sinon par un léger relâchement à la règle qui nous maintenait jusque-là cloîtrés dans la chambre. Pendant la matinée, tandis que les ordonnances procédaient au nettoyage, nous fûmes autorisés à nous promener le long du corridor dallé de pierre. Ces quelques minutes de marche, de mouvement, de vie enfin, nous furent un cadeau de grand prix.

Une grosse nouvelle nous émut aussi dès le réveil. Le marsouin du camp de Darmstadt nous donnait connaissance du « rapport des cuisines », qui est, comme on sait, l’ensemble des bruits, potins, bobards, canards et percos, qui circulent chaque jour tant au front que dans les réunions de prisonniers. Chacun a appris un ragot et l’ajoute au chapelet de ceux qu’on lui découvre. Ainsi s’établit le rapport des cuisiniers, tissu de vérités, de vraisemblances et de rêves. La nouvelle du jour est trop grosse pour que nous puissions l’accueillir sans réserves. Le marsouin de Darmstadt, lui, y croit fermement. Ce n’est pas moi qui le détromperai. Trop heureux si l’espoir le nourrit ! Car il paraît que les Russes auraient pris Trébizonde et que les Turcs, las de la lutte, demanderaient la paix. Mais il faudrait en lire la confirmation dans les feuilles allemandes, et nous n’en avons aucune sous la main.

C’est encore derrière la fenêtre fermée que je passe la plus grande partie de la journée. Peu à peu, tous mes camarades quittent la chambre no 28. Dans la cour j’en aperçois quelques-uns, qui étaient hier ici avec moi, et qui maintenant se promènent ou causent