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Page:Sandre - Le purgatoire, 1924.djvu/160

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le purgatoire

L’aile en équerre, aussi haute que le bâtiment principal, n’avait cependant qu’un étage : en bas, c’était l’immense réfectoire et la kantine ; en haut, la salle de gymnastique de l’école. Tel était notre camp, que l’harmonie de la langue allemande appelle un Offiziergefangenenlager.

Les camarades que nous avions trouvés à Vöhrenbach étaient passés pour la plupart par la citadelle de Mayence, sorte de point de concentration et de triage des officiers prisonniers, et chacun d’eux nous affirmait que l’existence à Vöhrenbach n’avait rien de comparable à celle de Mayence. Ici, les prisonniers jouissaient de certaines libertés qui n’étaient pas sans valeur et d’un régime relativement doux. La kantine était ouverte du matin au soir tous les jours. On s’y pouvait procurer du sucre à un taux raisonnable, des conserves de viande et de poisson, corned beef, sardines, harengs, saumon fumé, à des prix excessifs, il est vrai. On avait le droit de boire autant qu’on voulait, soit de la bière, soit du vin, soit même quelques liqueurs qui étaient de provenance douteuse, puisque de marques françaises, et qu’on payait d’ailleurs fort cher. Deux billards nous offraient un jeu facile dans un coin du réfectoire. Quant à la nourriture, car on ne vit pas seulement de carambolages et de cognac, elle était supportable, et il n’y avait pas à s’en plaindre. Elle ressemblait, tant pour la qualité que pour la quantité, à l’ordinaire des internes dans les lycées de France. Avec de très légers suppléments achetés à la kantine, on pouvait s’en tirer à peu près. Seule la question du pain laissait à désirer. Chaque officier touchait chaque lundi sa ration d’une semaine