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Page:Sandre - Le purgatoire, 1924.djvu/165

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le camp de vöhrenbach

Cette impression, je n’étais pas seul à l’avoir. Alors que la France se désintéressait à peu près totalement de ses prisonniers, au point que les Allemands chez nous s’engraissaient comme des pourceaux bien choyés et que nos soldats crevaient de faim, de froid, de corvées et de coups dans les camps boches, l’Allemagne au contraire s’occupait de ses prisonniers avec un soin jaloux et menait contre les nôtres un chantage honteux. Voulait-elle obtenir une amélioration quelconque pour ses Fritz ? Tout un camp de Français était mis à la question, et les représailles duraient jusqu’à ce que Paris eût accordé à Berlin ce que Berlin voulait. Paris s’inclinait toujours devant les réclamations de Berlin ; mais Paris ne réclamait rien de son côté.

C’est de nous sentir abandonnés à la merci des Boches que nous avons le plus souffert. L’ambassade d’Espagne, chargée de représenter à Berlin nos intérêts ou nos droits les plus humbles, ne représentait rien, et son intervention, si elle se produisait, ne pesait pas bien lourd. Les Anglais étaient soutenus par les États-Unis d’Amérique ; je ne sais pas ce qu’ils devinrent quand les sammies entrèrent dans la guerre, mais je sais que jusqu’au 1er janvier 1917, les Anglais ne furent jamais tracassés comme les Français le furent. Des camarades disaient :

— Bah ! Laissez. Les Allemands paieront après la guerre. Tenons registre de leurs crimes et de leurs vexations. La moindre de tant de cruautés recevra son châtiment.

Faut-il avouer que cet espoir platonique ne nous consolait pas ? Nous connaissions assez la France, où trop d’amis de l’Allemagne ont voix au chapitre,