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Page:Sandre - Le purgatoire, 1924.djvu/237

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la vie quotidienne

ou de Gustave Hervé. Admirez le système : on découpe, dans un éditorial quelconque, un ou deux paragraphes où se font jour des restrictions, ou des protestations, ou des plaintes sur les affaires et leur conduite et leurs conducteurs, et le tour est joué. Le lecteur accuse Clemenceau de trahison et pleure sur les destinées de la France, sans songer que, dégagé du contexte qui l’éclairait ou l’excusait, le paragraphe immonde ne signifie peut-être plus ce que l’auteur voulait qu’il signifiât. En outre, il serait nécessaire de comparer les originaux et les reproductions, car rien ne prouve que la Gazette des Ardennes n’ait jamais publié de faux Clemenceaux ou des Hervés de commande. À Vöhrenbach, on s’amusait des turlupinades de la Gazette des Ardennes. On n’était dupe ni des lamentations « d’un bon Français », ni de l’apitoiement sans signature d’un Boche sur les malheurs de la France livrée aux Anglais. Mais quand la kommandantur nous demandait de lui remettre nos vieux journaux pour que les soldats français eussent quelque chose à lire dans leurs camps de misère, elle prêchait dans le vide.

Tous les soirs, vers cinq heures, on nous affichait le communiqué boche sur le mur du poste de police. C’était un des moments de la journée les plus importants. On se groupait autour du papier officiel. Un capitaine traduisait à haute voix pour tous ses camarades. Mais on lui réclamait souvent le texte exact, qui nous intéressait en particulier aux jours de nos