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Page:Sandre - Le purgatoire, 1924.djvu/45

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des chambrettes à rouvrois

Il n’est pas content du tout. Il nous annonce en effet, d’une voix maussade, qu’il vient de recevoir l’ordre de nous conduire sans délai à la Kommandantur de Rouvrois.

Rouvrois ? Où est-ce ? Est-ce loin ? Est-ce près ? Le cuirassier nous montre le bout du papier qui lui fixe l’itinéraire et nous lisons ces quatre noms : Azanne, Mangiennes, Pillon, Rouvrois. Quelque courte que soit la distance qui sépare chacun de ces villages du suivant, ces quatre noms représentent tout de suite pour nous un nombre considérable de kilomètres. Nous sommes déjà éreintés. Nous sommes tous plus ou moins blessés. Le sait-on ? Ou s’en moque-t-on ? Mais pourrons-nous arriver jusqu’au bout ?

Quand nous nous remettons en route lentement, très lentement, il nous semble que nous ne ferons même pas cent mètres. Hélas ! dans quelle galère sommes-nous embarqués ! Nous sommes prisonniers, oui, bien prisonniers, et nous nous en apercevons. Et que sont des prisonniers, sinon du bétail, qu’on pousse devant soi jusqu’au jour des préliminaires de paix, où l’on discutera le prix de rachat de chaque tête ? En Allemagne, nous sommes un objet de haine ; et en France un objet de mépris. N’importe. Il faut marcher, même quand on n’a rien mangé depuis trente-quatre heures. Pas un de nous au reste ne consentirait à refuser d’aller plus loin ; car dans l’ignorance où nous sommes de ce que nous deviendrons plus tard, aucun de nous ne voudrait se séparer de ses camarades, qu’il ne reverrait jamais sans doute.

Nous traversons Villes de nouveau dans toute sa