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Page:Sandre - Le purgatoire, 1924.djvu/49

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des chambrettes à rouvrois

avec lui dans une vaste grange au fond de laquelle nous voyons, chichement éclairés, deux hommes mal vêtus et deux cuisines roulantes côte à côte. L’un des cuisiniers est occupé à tailler des parts dans de gros morceaux de viande bouillie, et l’autre, debout sur le marchepied, plonge une grande louche dans l’immense marmite. Ni celui-ci, ni celui-là ne nous adresse la parole.

Tout de suite la chaleur du foyer nous ranime. Mais quelle dérision ! Nous amener dans une cuisine alors que nous n’avons rien mangé depuis quarante heures ! Le cuirassier va-t-il cyniquement casser la croûte devant nous ? Il n’en faut pas douter. Déjà on lui donne du pain et une tranche de bœuf. Mais, lui servi, on nous offre aussi du pain, de la viande et du café. Qui n’a jamais eu faim ne concevra point que nous n’ayons pas eu la dignité de refuser cette pitance clandestine. Nous avons mangé et bu. Pour la première fois, nous goûtons en pays ennemi de ce fameux pain de guerre, si cruellement cinglé par nos railleries françaises. Il n’est pas bon, il est même mauvais, mais nous avions faim, et il nous contente. Quant au café, s’il est nécessaire de l’appeler ainsi, c’est une vague décoction de je ne sais quoi, sans sucre, sans couleur, sans saveur, et qui nous lèverait le cœur, si le froid ne nous la faisait juger la meilleure des boissons chaudes. Tel fut notre premier repas en Allemagne.

L’impression que nous en pûmes tirer, c’est que le soldat boche n’a peut-être pas une cuisine très fine, mais il a de quoi se sustenter.

Au moment de repartir, car nous ne sommes