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LES FEMMES FORTES.

CLAIRE.

Un fils unique !

QUENTIN.

Oh ! unique dans son genre, comme le père !

CLAIRE.

Vous l’avez vu ?

QUENTIN.

Ah ! oui. Il est en Californie, celui-là ! Il est parti sans dire bonsoir, à vingt ans, tout seul… et n’a plus donné de ses nouvelles ! Quelles natures ! Quelles fortes natures !

CLAIRE.

Voilà tout ce que vous avez fait ?

QUENTIN.

Tiens ! tu veux que j’aille en Californie ? J’ai fait bien mieux. J’ai mis une note dans les journaux. C’est l’usage là-bas : on s’écrit ses petites affaires par le journal, on se demande des nouvelles de sa santé, on se marie, on divorce, on joue aux échecs, on réclame son argent, sa femme, son parapluie, tout par le journal !… J’ai donc mis ma petite note ainsi conçue : « Jean-Marie-Onésime Quentin propriétaire, désire savoir si son neveu, Jonathan Quentin, fils d’Auguste, ou Antoine, ou Amédée Quentin de New-York, est toujours de ce monde, et dans ce dernier cas seulement… seulement !… l’invite à répondre. Il s’agit d’héritage. » Puis mon adresse à l’usine de Marville.

CLAIRE.

À Marville !

QUENTIN.

Car nous allons partir pour Marville, où je vais diriger l’usine, en attendant sa réponse. J’ai la tutelle de la succession ; j’arrive du Havre; c’est en règle !

CLAIRE.

Mais s’il ne répond pas !

QUENTIN.

Française, va ! S’il s’agissait de payer, certainement il ne répondrait pas ; mais un héritage ! On répondrait plutôt pour lui !

CLAIRE.

Et s’il répond ?

QUENTIN.

Ah ! j’ai mon plan ! Je lui offre tout bonnement de s’associer