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Page:Satires d'Horace et de Perse.djvu/111

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Plus limé qu’Ennius dont pourtant la rudesse
Nous enrichit d’un genre inconnu de la Grèce ;
Qu’il l’emporte en un mot sur nos anciens auteurs :
Soit ; mais loin de blâmer ses propres détracteurs,
Si jusqu’à notre temps le ciel l’avait fait vivre,
Lui-même on le verrait revenir sur son livre,
En corriger le style, en élaguer surtout
Ces passages trop longs qui choquent le bon goût,
Et prenant désormais l’oreille pour arbitre,
Cent fois ronger ses doigts et frapper son pupitre.
Désirez-vous charmer les solides esprits ?
Sur l’enclume souvent remettez vos écrits,
Et, dans ses préjugés dédaignant le vulgaire,
À des lecteurs choisis contentez-vous de plaire.
Seriez-vous curieux d’entendre sur les bancs
Vos ouvrages dictés à des marmots d’enfans ?
Pour moi, je n’eus jamais cet orgueil ridicule,
Et suis fort de l’avis de l’actrice Arbuscule.
Le peuple l’insultait : sifflez, hommes grossiers,
Dit-elle : il me suffit de plaire aux chevaliers.
Quoi ! d’un Pantilius je craindrais l’insolence !
Quoi ! je m’affligerais de ce qu’en mon absence,
Mes vers auraient à table égayé Fannius,
Ce convive ennuyeux du sot Tigellius !
Eh ! de pareils lecteurs qu’importent les suffrages ?
Que Mécène et Fuscus approuvent mes ouvrages :
Que Plotius, Virgile, Octave, Pollion,
( Car je puis le citer sans adulation ; )
Que Messala, toujours suivi d’un tendre frère,
Parfois daignent sourire à ma muse légère :