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PRÉFACE DE LA PREMIÈRE ÉDITION

hommes qui se renouvellent sans cesse ; sa pensée évoluait dans toutes les directions sans pour cela se mettre en contradiction avec elle-même. Tout publier dans la forme originelle était impossible ; les redites, inévitables dans un exposé libre, les chevauchements, les formulations variables auraient donné à une telle publication un aspect hétéroclite. Se borner à un seul cours — et lequel ? — c’était appauvrir le livre de toutes les richesses répandues abondamment dans les deux autres ; le troisième même, le plus définitif, n’aurait pu à lui seul donner une idée complète des théories et des méthodes de F. de Saussure.

On nous suggéra de donner tels quels certains morceaux particulièrement originaux ; cette idée nous sourit d’abord, mais il apparut bientôt qu’elle ferait tort à la pensée de notre maître, en ne présentant que des fragments d’une construction dont la valeur n’apparaît que dans son ensemble.

Nous nous sommes arrêtés à une solution plus hardie, mais aussi, croyons-nous, plus rationnelle : tenter une reconstitution, une synthèse, sur la base du troisième cours, en utilisant tous les matériaux dont nous disposions, y compris les notes personnelles de F. de Saussure. Il s’agissait donc d’une recréation, d’autant plus malaisée qu’elle devait être entièrement objective ; sur chaque point, en pénétrant jusqu’au fond de chaque pensée particulière, il fallait, à la lumière du système tout entier, essayer de la voir sous sa forme définitive en la dégageant des variations, des flottements inhérents à la leçon parlée, puis l’enchâsser dans son milieu naturel, toutes les parties étant présentées dans un ordre conforme à l’intention de l’auteur, même lorsque cette intention se devinait plutôt qu’elle n’apparaissait.

De ce travail d’assimilation et de reconstitution est né le livre que nous présentons, non sans appréhension, au public savant et à tous les amis de la linguistique.

Notre idée maîtresse a été de dresser un tout organique en ne négligeant rien qui pût contribuer à l’impression