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Page:Saussure - Cours de linguistique générale, éd. Bally et Sechehaye, 1971.djvu/229

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ensuite. Voilà pourquoi nous disons qu’elle est tout entière grammaticale et synchronique.


Ce caractère de l’analogie suggère deux observations qui confirment nos vues sur l’arbitraire absolu et l’arbitraire relatif (voir p. 180 sv.) :

1° On pourrait classer les mots d’après leur capacité relative d’en engendrer d’autres selon qu’ils sont eux-mêmes plus ou moins décomposables. Les mots simples sont, par définition, improductifs (cf. magasin, arbre, racine, etc.). Magasinier n’a pas été engendré par magasin ; il a été formé sur le modèle de prisonnier : prison, etc. De même, emmagasiner doit son existence à l’analogie de emmailloter, encadrer, encapuchonner, etc., qui contiennent maillot, cadre, capuchon, etc.

Il y a donc dans chaque langue des mots productifs et des mots stériles, mais la proportion des uns et des autres varie. Cela revient en somme à la distinction faite p. 183 entre les langues « lexicologiques » et les langues « grammaticales ». En chinois, la plupart des mots sont indécomposables ; au contraire, dans une langue artificielle, ils sont presque tous analysables. Un espérantiste a pleine liberté de construire sur une racine donnée des mots nouveaux.

2° Nous avons remarqué p. 222 que toute création analogique peut être représentée comme une opération analogue au calcul de la quatrième proportionnelle. Très souvent on se sert de cette formule pour expliquer le phénomène lui-même, tandis que nous avons cherché sa raison d’être dans l’analyse et la reconstruction d’éléments fournis par la langue.

Il y a conflit entre ces deux conceptions. Si la quatrième proportionnelle est une explication suffisante, à quoi bon l’hypothèse d’une analyse des éléments ? Pour former indécorable, nul besoin d’en extraire les éléments (in-décor--