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Page:Saussure - Cours de linguistique générale, éd. Bally et Sechehaye, 1971.djvu/231

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même dans făctus et āctus, malgré făciō et ăgō ; il faut supposer que āctus remonte à *ăgtos et attribuer l’allongement de la voyelle à la sonore qui suit ; cette hypothèse est pleinement confirmée par les langues romanes ; l’opposition spĕciō : spĕctus contre tĕgō : tēctus se reflète en français dans dépit (=despĕctus) et toit (tēctum) : cf. conficiō : confĕctus (franç. confit), contre rĕgō : rēctus (dīrēctus franç. droit). Mais *agtos, *tegtos, *regtos, ne sont pas hérités de l’indo-européen, qui disait certainement *ăktos, *tĕktos, etc. ; c’est le latin préhistorique qui les a introduits, malgré la difficulté qu’il y a à prononcer une sonore devant une sourde. Il n’a pu y arriver qu’en prenant fortement conscience des unités radicales ag- teg-. Le latin ancien avait donc à un haut degré le sentiment des pièces du mot (radicaux, suffixes, etc.) et de leur agencement. Il est probable que nos langues modernes ne l’ont pas de façon aussi aiguë, mais que l’allemand l’a plus que le français (voir p. 256).