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Page:Saussure - Cours de linguistique générale, éd. Bally et Sechehaye, 1971.djvu/96

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une consonne d’aperture faible. L’i ou l’e prothétiques ne font qu’exagérer cette qualité sonantique ; tout caractère phonologique peu sensible tend à se grossir quand on tient à le conserver. C’est le même phénomène qui se reproduit dans le cas de esclandre et dans les prononciations populaires esquelette, estatue. C’est encore lui qu’on retrouve dans cette prononciation vulgaire de la préposition de, que l’on transcrit par ed : un œil ed tanche. Par syncope, de tanche est devenu d’tanche ; mais pour se faire sentir dans cette position, le d doit être implosif : d͐t᷾anche, et une voyelle se développe devant lui comme dans les cas précédents.

4. Il est à peine nécessaire de revenir sur la question des sonantes indo-européennes, et de se demander par exemple pourquoi le vieux-haut-allemand hagl s’est transformé en hagal, tandis que balg est resté intact. Le l de ce dernier mot, second élément d’un chaînon implosif (ba͐l͐g͐), joue le rôle de consonante et n’avait aucune raison de changer de fonction. Au contraire le l, également implosif, de hagl faisait point vocalique. Étant sonantique, il a pu développer devant lui une voyelle plus ouvrante (un a, s’il faut en croire le témoignage de la graphie). D’ailleurs, elle s’est assombrie avec le temps, car aujourd’hui Hagel se prononce de nouveau ha͐g᷾l͐. C’est même ce qui fait la différence entre la prononciation de ce mot et celle de français aigle ; l'l est fermant dans le mot germanique et ouvrant dans le mot français avec e muet final (e͐g᷾l᷾e)