Aller au contenu

Page:Sauvage - Tandis que la terre tourne, 1910.djvu/22

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
22
tandis que la terre tourne

Je poussais vers le ciel un soupir sur la vie,
Ta face me parlait dans sa grave lueur ;
Tu disais : « Je te vois, marche plus loin encore,
Les étoiles et moi nous t’écoutons des cieux,
Nous voulons que pour toi la nuit ait son aurore,
C’est pour veiller sur toi que s’ouvrent tous ces yeux. »
Que de secrets brûlants confessés sur tes lèvres !
Te souviens-tu, chagrins, terreurs, premiers émois,
Alors que le printemps aux gracieuses fièvres
T’entraînait comme un elfe aux rondes de ses mois.
Légère, tu venais sur les amandiers roses
Comme un bel oiseau d’or en boule pour dormir,
Le vent jouait avec des pétales de roses,
L’écume des ruisseaux avait l’air de fleurir.
Parfois, s’éternisant en un couchant d’opale,
Ton visage absorbé se regardait dans l’eau
Et ma main, pour palper ton lumineux ovale,
Plongeait dans la rivière et sentait fuir le flot.
Tu venais avec ton cortège de silence,
Avec l’ombre assoupie, avec les vers luisants ;
Ta forme s’accusait si fraîche d’innocence,
De paisible pensée et de jour reposant,