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Page:Savignon - Filles de la pluie.djvu/112

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écoutait à peine, indifférent. Car, en vérité, rien n’aurait su exister en dehors de la récolte et de la vente des varechs et de la bonne tournure que prenaient les pommes de terre et les choux, à côté, dans les quelques sillons de terre cultivable. Et les seules choses dignes d’attention, pour eux, c’était l’état du ciel et de la mer, le seul imprévu possible, le passage des petits bateaux ou des torpilleurs qui se hasardaient parfois à l’entour des cailloux voisins, comme pour s’amuser à noyer Trielen sous leur fumée noire.

Les jours sont monotones à l’excès dans un monde aussi restreint. La nuit, seule, semble devoir arracher Trielen à sa solitude. Avec elle, en effet, surgissent les lueurs des phares environnants, le Four, Saint-Mathieu, les Pierres Noires, le Créac’h, le Stiff, d’autres encore. C’est comme une main tendue à travers l’espace, une visite à des oubliés. Leurs éclats fouillent, pénètrent l’île avec une régularité de pendule, quelque chose d’automatique et d’inexorable et qui rappelle que, là-bas, il y a des hommes, de la vie, de la pensée — mais bientôt, on n’y fait plus attention.