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Page:Savignon - Filles de la pluie.djvu/121

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Quand les marins atteignirent le Conquet où ils avaient affaire, ils y ramenaient la malheureuse îlienne. Des personnes charitables l’habillèrent et lui donnèrent à manger.

Alors Virginie prit à pied le chemin de Plouguerneau, qu’habitait la famille de son mari. Et ce fut dans la voiture d’un marchand de poisson, qui l’avait recueillie sur la route, qu’elle arriva à Saint-Renan.

Elle entra, vers les sept heures du soir, dans l’hôtellerie de mes parents, chez lesquels j’étais encore à l’époque. Je me souviens que ma mère me cria de me sauver. Des voyageurs, lorsqu’elle apparut, firent le signe de croix, tant sa vue était impressionnante. Elle marchait d’un pas saccadé, comme pour fuir, pour fuir plus loin, n’importe où, comme pour s’échapper à soi-même. Elle était à moitié démente. Pourtant, elle se rappelait tout. Elle n’interrompait ses pleurs que pour parler. Et c’est ainsi qu’elle nous dit, à travers ses sanglots, cette histoire vraie, dont beaucoup de personnes qui se rappellent l’épidémie de choléra qui ravagea nos côtes, voici tantôt seize ans, pourraient vous affirmer l’authenticité — et que je voudrais n’avoir jamais entendue.