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Page:Savignon - Filles de la pluie.djvu/129

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Et il se demandait par qui il était si recherché. Si Mme Caïn avait des ambitions pour sa fille : lui trouver un amant — elle n’en était pas à son coup d’essai — ou si c’était seulement pour son propre bénéfice qu’elle se mettait en frais ? Car il savait trop que Cocotte ne comptait pas dans la partie — et qu’elle avait été bonne, tout juste, pour l’amorçage, et qu’elle serait larguée au premier signal.

Et cette ingrate conclusion réjouissait Le Lamber.

Cocotte, la Ouessantine honteuse qui avait quitté son costume natal, était impopulaire. Elle avait laissé pousser ses cheveux teints en blond ardent et tirait gloire de trois fausses dents qu’un amant lui avait fait poser à Toulon. Sa main, point laide, s’alourdissait d’or, anneaux et chevalières d’hommes qui disaient ses complaisances. Et elle touchait une mensualité, régulièrement, sur la solde d’un lieutenant sénégalais. L’argot des popotes d’officiers avait fleuri ses lèvres sans élargir ses idées. Et maintenant, déconsidérée par quelques lâchages, revenue à Ouessant par raison, vexée d’y être et se croyant amoindrie par son entourage, elle végétait, d’aventure en aventure, dans le mépris de ses amies d’autrefois qui ne voyaient plus