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Page:Savignon - Filles de la pluie.djvu/185

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car ils avaient trop longtemps vécu d’elles, et n’étaient plus que des mâles vieillis.

« J’ai vu Lieutard, usé et rongé de phtisie, dire adieu à ses enfants en pleurant et s’embarquer sur la Louise sous les sarcasmes des îliennes, avec en main le mouchoir des émigrants où il avait plié tout son avoir — peu de chose. Il retournait sur la grande terre où il ne comptait plus de famille, plus personne, pour y « chercher du travail », pour y mourir. Et le soir, sa femme célébra ce départ avec des coloniaux.

— Ah ! fit Soley, les conditions ne sont pas les mêmes !

— Sans doute. Vous êtes riche. Et ils se turent. Mais Soley, au bout d’un instant, ajouta en souriant :

— Vous verrez, je tiendrai bon.

Et il affirmait ainsi sa volonté, sans crainte. Parce qu’il sentait que tout ça n’était qu’un jeu pour lui. Et qu’un autre attachement, plus fort, le gardait de se laisser entraîner trop avant. Il ignorait qu’au fond de son cœur une image redoutée était sur le point de s’affaiblir, tandis qu’une autre se substituait à sa place.