Page:Savignon - Filles de la pluie.djvu/193

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les narines quand on arrivait du dehors. Marzin était un gaillard solide et râblé, l’œil vif, avec une barbiche en pointe et une large ceinture de flanelle rouge autour de la taille. Pêcheur de la pointe du Raz, il avait épousé une Ouessantine maigre, au grand nez, au cheveu luisant et noir, et « riche ». À eux deux, ils dirigeaient un de ces comptoirs comme il y en a trois ou quatre dans le pays et qui monopolisent tout le commerce.

Sans tarder, on se mit à prendre l’apéritif. Car Thirion, l’instigateur de cette petite fête, avait, dans l’après-midi, porté à Kergoff un superbe mulet à la cuisson duquel Mme Marzin avait mis tout son art. On s’installa : les Marzin s’étaient joints à la bande, en amis.

Or, le vin du Vesper, expressément réclamé, fut servi fumant dans les bols. C’étaient, annonça Marzin, et il ne mentait pas — les dernières bouteilles de ce vin piraté, devenu la cause de tant de drames.

Un matin — il y avait plusieurs années de cela — des centaines de barriques furent aperçues en dérive sur la mer embrumée. Les îliens allèrent en chercher quelques-unes avec leurs canots. Mais bientôt le flux les amena de lui-même au rivage et, toutes les grèves, du Créac’h