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Page:Savignon - Filles de la pluie.djvu/240

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ques sous. Et il affirmait, goguenard, qu’il envoyait cet argent à une Parisienne.


Les scandales d’Ouessant faisaient parler sur la côte, de Portsall à Camaret. Dans l’île, les plus courageux s’agitaient et les échos de ces plaintes étaient parvenus jusqu’ « en France », comme on dit là-bas, du continent. Mais dénoncer ces crimes, c’était s’attirer l’épithète de « sans-patrie », et ceux-là même qui les déploraient davantage n’osaient prescrire d’enquête.

L’île lointaine, avec sa gracieuse et détestable réputation, demeurait abandonnée à elle-même. Aux yeux des commis de ministère, sourds à toute juste réclamation, l’adorable pureté de ses mœurs primitives passait pour de la sauvagerie. On se désintéressait du sort des habitants livrés aux troupes. Et quelle voix, dans cette terre isolée, aurait eu assez de puissance pour pousser cet appel à la libération que chacun attendait ?

Ouessant était condamnée à devenir pareille à un de ces faubourgs, un de ces cloaques qui naissent dans nos villes, à l’entour des casernes.


Le calvaire de Louise continua. Le Pantinois l’obligea de vendre peu à peu ses sillons et