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Page:Say - Œuvres diverses.djvu/182

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il se présente une foule de circonstances que l’art ne peut pas prévoir ; qu’il y a, dans tout genre d’industrie, une partie commerciale qui échappe aux considérations techniques ; et qu’enfin le commerce qui ne s’occupe pas des procédés de fabrication, est lui-même un art industriel qui tire un grand secours des notions économiques que je suis chargé de vous développer ici ; de celles, par exemple, qui sont relatives aux échanges et aux monnaies.

Je ne vous en dirai pas davantage à présent sur ce point. À mesure que nous avancerons, les applications se présenteront d’elles-mêmes.

Je vous ai dit, Messieurs, que l’on tire un grand secours de l’économie industrielle, pour la conduite des entreprises particulières ; cependant je n’ignore pas que des circonstances accidentelles ont une grande influence sur leur bon ou leur mauvais succès ; mais en général ces circonstances n’agissent pas éternellement, tandis qu’une conduite intelligente, tandis que la nature des choses (que nous allons chercher à connaître) agissent sans interruption, et finissent par l’emporter.

Étudions la nature des choses. C’est elle, en définitive, qui gouverne le monde.

Lorsque nous jetons pour la première fois un regard curieux sur une société nombreuse et civilisée, comme sont la plupart des nations de l’Europe, nous n’apercevons d’abord qu’un amas confus d’êtres humains, habillés de différents costumes, munis de divers instruments, allant de côté et d’autre, ou s’agitant sans changer de place, et occupés d’une multitude de travaux. Pourquoi s’agitent-ils ainsi ? pour subsister et pour faire subsister leur famille. Comment les familles subsistent-elles ? En consommant les choses nécessaires à la vie, de même que le feu se soutient par l’aliment qu’on lui donne.

Mais comment les hommes se procurent-ils leur aliment ? Les uns ravissent-ils aux autres ce que ces derniers possèdent ? Cette ressource serait précaire et ne tarderait pas à s’épuiser ; car quand on aurait ravi à son voisin ce qu’il a, on ne pourrait pas le lui ravir de nouveau ; le spoliateur mourrait de faim aussi bien que sa victime, ou plutôt ils auraient commencé par se quereller et par s’égorger l’un l’autre. Les hommes ne tardent pas à s’apercevoir qu’il leur est beaucoup moins profitable de se nuire que de se servir mutuellement ; et comme leurs besoins sont variés, après s’être adonnés, chacun de son côté, à créer, à se procurer des choses utiles, ils en font des échanges. Tandis que le cultivateur fait pousser du grain et élève des bestiaux pour le négo-