Page:Say - Œuvres diverses.djvu/184

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Ce n’est pas un tableau plus fidèle que celui qui représente les citoyens comme des brebis, et ceux d’entre eux qui sont chargés de veiller sur les intérêts communs, comme des pasteurs. Un tel langage, n’est propre qu’à rabaisser la dignité de l’homme à l’importance des brebis. Ces bergeries politiques ne conviennent plus à un siècle parvenu à sa maturité.

Il résulte de cela que si la tâche du gouvernement est plus facile, celle des simples citoyens est plus difficile qu’on ne le pense communément. La prospérité du pays dépend principalement d’eux-mêmes, de la manière dont ils gouvernent leurs affaires privées.

Tout pays, où l’objet que se propose l’industrie et les moyens dont elle peut disposer sont mal connus, ne saurait arriver au degré de prospérité dont il est susceptible. Or, pour bien connaître l’objet et les moyens de l’industrie, il faut, ainsi que j’en ai déjà fait la remarque, posséder d’une part les connaissances scientifiques applicables à l’industrie, et d’un autre côté les connaissances économiques sans lesquelles la mécanique, la physique et la chimie, sont sans influence sur le sort de l’humanité.

Voulez-vous savoir les résultats divers des sciences selon qu’elles sont, ou non, éclairées par l’économie ? Comparez un théâtre de physique amusante avec un atelier où les forces de la nature sont dirigées vers l’accomplissement des plus utiles produits. Dans l’un comme dans l’autre la science est employée ; mais du théâtre de l’escamoteur, il ne sort rien qu’un peu d’amusement pendant quelques heures, tandis que de l’atelier il sortira d’utiles produits qui serviront pendant des années. Il ne suffit pas de pouvoir disposer des forces de la nature, il faut savoir les employer à profit, et pour cela, il faut connaître aussi l’économie de la société. En même temps qu’il y a des forces matérielles qui sont soumises à des lois certaines, il y a des forces qui tiennent à la nature des choses sociales, qui sont de leur côté soumises à d’autres lois non moins certaines.

En même temps que les connaissances économiques éclairent la marche des particuliers, elles rendent plus facile la marche du gouvernement. Elles le secondent de deux manières : d’abord, en lui formant des sous-ordres plus instruits, plus capables de le seconder efficacement ; et en second lieu, en diminuant les résistances qu’il rencontre dans l’ignorance de ses administrés.

Il y a quelques années, on crut le moment favorable pour rétablir