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Page:Say - Œuvres diverses.djvu/193

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À considérer l’homme social, soit dans la famille, soit dans la société, les besoins qu’il éprouve pour continuer le genre de vie auquel il est parvenu, ne peuvent être satisfaits que par de certains sacrifices. Ces sacrifices vous avez vu qu’ils consistent soit en un sacrifice de ses peines, de son travail, soit en un sacrifice de quelques biens dont il doit la possession soit à son propre travail, soit à celui de ses pères ; ou bien seulement a des conventions sociales. Au moyen de ces sacrifices, l’homme satisfait aux divers besoins de sa famille ou de lui-même : besoins de première nécessité, comme la nourriture ; besoins de sécurité, besoins d’habitudes et même besoins de plaisirs.

Quel que soit le degré d’intensité de ces besoins, nous pouvons considérer leur satisfaction comme un bien ; de sorte que la vie se compose, d’un côté, de sacrifices, et de l’autre, de satisfactions obtenues au prix de ces sacrifices. Si je ne craignais qu’on abusât de mes expressions en leur donnant une rigueur que je ne prétends pas leur donner, je dirais que la somme des biens dont jouit la société tout entière est acquise au prix des maux qu’elle subit, des peines qu’elle prend, d’un travail pénible qu’elle s’impose pour obtenir, en échange, des plaisir. Le travail peut être fort peu pénible, et les biens illusoires ; ce n’est pas ce qui nous occupe ici. Il nous suffit qu’il y a dans le monde une somme de peines, de maux, de sacrifices, au prix desquels elle obtient une somme de biens, de satisfactions, de jouissances.


L’Économie politique a pour objet de faire bien comprendre ce mouvement, ce jeu de la société, et de tirer parti de cette connaissance pour qu’il s’exécute avec le plus d’avantages qu’il est possible ; c’est-à-dire en faisant le moins de sacrifices qu’il se peut, pour obtenir le plus d’avantages que nous pouvons en attendre ; à diminuer la somme des maux et à augmenter celle des biens.

Pour parvenir à ce double résultat, on ne fait plus, comme dans les siècles précédents, des systèmes, des plans, des projets. On étudie par l’analyse, par l’observation, par l’expérience, ce que sont les choses, leur nature, leurs causes et leurs résultats, et par ce moyen on découvre quels sont les maux que l’on peut diminuer, quels sont les biens que l’on peut augmenter. C’est là ce qui constitue l’Économie politique moderne. C’est là ce qui en a fait une science, car l’analyse, l’expérience, la connaissance de la nature des choses, de la manière dont elles se comportent, peuvent être l’objet d’une étude ; et il faudrait être insen-