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Page:Say - Œuvres diverses.djvu/195

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que sur des faits incontestables et des raisonnements rigoureux. Si cette science est encore trop peu, ou trop mal connue, c’est que tout est récent ; c’est que, dans la vie des nations, les siècles ne sont que des années et les années ne sont que des jours.

Les études les plus suivies sont celles qui peuvent conduire à un état lucratif, c’est-à-dire à des fonctions auxquelles un public nombreux a nécessairement recours, comme les études de la médecine et celles du droit. Il y aura toujours des malades (qui le sait mieux que nous ! ), il y aura toujours des procès. Il est vrai qu’une bonne administration est aussi un besoin de tous les temps ; mais dans tous les temps, pour y être employé, le savoir-faire, comme a dit un de nos auteurs, est encore plus utile que le savoir. Il faut attendre patiemment l’époque où l’on sera généralement convaincu que les idées justes et les vues générales ne sont pas moins utiles aux particuliers qu’aux nations ; car, quoique les vues économiques soient plus souvent applicables au soin que nous prenons de nos fortunes, et de la fortune publique, elles peuvent néanmoins s’appliquer à tout, car l’économie au fond n’est que l’habitude de proportionner les moyens dont on peut disposer, au résultat qu’on veut atteindre.

Ainsi, dans la politique, par exemple, lorsqu’on est habile, non-seulement on proportionne les dépenses publiques à l’avantage qui doit en résulter pour le public qui en fait les frais, mais on économise tout développement inutile de puissance ; parce que toute puissance employée inutilement est tout au moins une perte de forces, de moyens, et de plus une perte morale, en ce que l’opinion juge les obstacles qui vous sont opposés d’autant plus grands qu’on vous voit employer de plus vastes moyens pour les surmonter.

En jurisprudence, on épargne les punitions, parce que les punitions sont un mal fait à l’humanité, et qu’un juge n’est excusable de se servir •le la rigueur des lois que pour racheter ce mal par un bien équivalent et incontestable.

C’est la connaissance profonde de l’Économie politique et l’habitude contractée d’en résoudre facilement les problèmes, qui a donné à Jérémie Bentham cette solidité de jugement qui font de ses ouvrages les guides les plus sûrs qu’on puisse consulter dans la législation civile et politique.

Il est à remarquer que Beccaria, qui, le premier et avec un si brillant succès, nous a appris l’importance de proportionner les peines aux dé-