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Page:Say - Œuvres diverses.djvu/205

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richir leurs sujets, et des gouvernements populaires tenir les peuples dans la misère, et (toujours guidé par l’expérience qui a mieux fait connaître la nature des choses) on a séparé ces deux genres de connaissances ; les économistes du xviiie siècle donnaient à l’Économie politique le nom de Physiocratie (gouvernement naturel), et Adam Smith est venu, qui l’a nommée Recherches sur la richesse des nations.

Cette nouvelle dénomination parait avoir été jugée un peu longue et embarrassante, on s’est réuni à lui substituer le nom d’Économie politique, c’est-à-dire Économie de la société ; on en a distrait la politique pure, science qui est beaucoup moins avancée, et, conformément à la méthode moderne, on a rejeté tout système à priori, arrangé d’avance ; ou n’a considéré que la nature des choses telles qu’elles sont, et les conséquences qui en résultent évidemment. Mais on a dû les combiner avec ce qu’il y a de constaté dans la politique pure, et dans les sciences physiques et mathématiques qui, depuis Bacon, ont secoué toute autorité magistrale, et ne reconnaissent plus de leur côté que la nature des choses et l’expérience.

Telles sont les bases sur lesquelles repose aujourd’hui la science dont nous nous occupons.

Vous voyez, Messieurs, quel en est l’objet ; pourquoi on l’appelle ainsi, et j’espère que vous ne tarderez pas à comprendre l’influence qu’elle est destinée à exercer sur le sort de l’humanité. Le but de nos connaissances est de savoir tirer parti des choses telles que la nature les a faites, et nous sommes d’autant plus à portée d’en tirer parti, que nous les connaissons mieux.


Il y a dans la grande société humaine une quantité quelconque, une somme de biens et de maux, journellement répandue ; ou, si nous ne voulons pas embrasser la société humaine tout entière, il y a dans chaque nation une certaine quantité de biens et de maux, dont il est permis aux hommes de jouir ou d’accepter la souffrance.

Une portion de ces biens, comme la santé, par exemple, nous est donnée gratuitement par la nature. Une autre portion ne peut être obtenue que par quelques sacrifices ; si nous voulons qu’un terrain nous fournisse d’abondantes récoltes, il faut les acheter par des peines, des fatigues, des dépenses qui sont une partie des maux que cette nation est obligée de supporter. Je dis que la dépense fait partie de la somme de nos maux, parce que la dépense qui nous prive de la faculté d’a-