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Page:Say - Œuvres diverses.djvu/216

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moyens de l’opérer ? Voilà l'essentiel. Il faut donc qu’un magistrat apprenne quels sont les besoins des sociétés, et les phénomènes que présentent la production, la distribution et la consommation des biens, sur lesquels il aura tant de décisions à prendre.

Quelque complète d’ailleurs que soit la législation positive, jamais tous les cas ne sont prévus ; le magistrat est souvent obligé dans ses jugements de recourir au bon sens, à l’équité naturelle ; mais pour éclairer le bon sens et l’équité, n’est-il pas nécessaire d’étudier la nature des choses sociales ? Peut-on se dispenser (lorsque toute législation n’est instituée que dans la vue du bien public) de connaître ce que le bien public exige ? Une telle étude ne peut être suppléée ni par l’étude des lois romaines, ni par la connaissance des jugements antérieurs.


Je reviens à l’économie politique.

Vers le milieu du xviiie siècle, un certain nombre de bons citoyens formèrent une société, à laquelle se réunirent les hommes de France les plus recommandables. On les nomma la secte des économistes, parce qu’ils avaient sur l’économie sociale des vues dont quelques-unes étaient fort justes, mais parmi lesquelles il s’en trouvait beaucoup qui ne supportaient pas une analyse rigoureuse, et d’autres qui ont été reconnues complètement fausses. Celles même qui ont subi l’épreuve de l’analyse et du temps, ainsi que vous le verrez plus tard, sont trop incomplètes pour faire autorité et pour que nous puissions accorder à leurs auteurs le nom d’économistes sans restriction. Mais comme il faut rendre justice à qui elle est due, nous confesserons que les économistes du xviiie siècle, ont fait faire un pas immense à l’économie politique : vous en jugerez.

Peu de temps après, lorsque Adam Smith, professeur de philosophie morale à Glasgow, vint en France et dut à l’amitié de David Hume, son compatriote, d’être introduit dans la meilleure société de Paris et notamment chez la duchesse d’Anville, mère du duc de Larochefoucault l’aîné, où il se rencontra avec Quesnay, avec Turgot et tous les principaux économistes, il s’était déjà beaucoup occupé des mêmes matières. Ses idées s’étendirent. Revenu en Écosse, il se retira dans le petit village où il avait pris naissance, et au bout de dix années d’études et de réflexions, il publia son Traité de la Richesse des nations ; ouvrage où se trouvent consignées un nombre de vérités suffisant pour consti-