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Page:Say - Œuvres diverses.djvu/302

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salaires. Or, je tiens des principaux manufacturiers d’Angleterre et de France, notamment de MM. Ternaux et fils, qui ont des manufactures à Liège, à Louviers, à Sedan, à Reims et à Paris, que c’est précisément le contraire qui arrive. Quand les grains deviennent plus chers, les salaires baissent. Ce résultat n’est point accidentel ; la même cause est toujours suivie du même effet, et l’effet dure aussi longtemps que la cause. L’explication n’en est pas difficile : quand le blé est à un pris élevé, les classes laborieuses sont obligées de consacrer à leur dépense en blé une portion de leurs gains qu’elles auraient employée en vêtements meilleurs ou plus recherchés, en logement, en meubles, en aliments plus succulents et plus variés ; en un mot, elles réduisent toutes leurs consommations ; et le défaut de consommation réduit la quantité demandée de presque tous les produits. Or, la réduction de la demande entraine la médiocrité des profits de tout genre, aussi bien ceux des maîtres que ceux des ouvriers.

C’est sur des principes malheureusement si peu d’accord avec les faits que M. Mac Culloch met Ricardo au-dessus d’Adam Smith, pour les vérités qu’il a découvertes ; il lui accorde, entre autres, l’honneur d’avoir pleinement dévoilé les lois de la distribution des richesses[1]. Ne pourrait-on pas faire observer à M. Mac Culloch que les points auxquels il attache une si haute importance ne sont pas les parties de la science les plus applicables et les plus utiles. Ce ne sont, convenons-en, ni la part du propriétaire foncier, ni la part du capitaliste, ni celle de l’ouvrier, sur quelques règles qu’il plaise à des théoriciens abstraits de les établir, qui exercent la plus notable influence sur la distribution des richesses. C’est la capacité des entrepreneurs d’industrie. Dans le même genre d’industrie, un entrepreneur qui a du jugement, de l’activité, de l’ordre et des connaissances, fait sa fortune, tandis qu’un autre, qui n’a pas les mêmes qualités, ou qui rencontre des circonstances trop contraires, se ruine. Il convenait donc, ce me semble, de distinguer avec soin la capacité de l’entrepreneur d’industrie de la capacité du capitaliste, même lorsque ces deux capacités se trouvent réunies dans le même individu. La dernière, celle du capitaliste, ne peut éprouver que de faibles variations dans la part qu’elle obtient des

  1. Voy. les pages 65 et 67 de l’édition anglaise.