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Page:Say - Œuvres diverses.djvu/558

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mot salaire. Mais rien ne justifie cette prétention qui d’ailleurs n’élucide rien ; on n’arrive ainsi à l’explication d’aucun phénomène et je ne trouve pas que cette école ait jusqu’à présent donné une définition claire du point qui sépare réellement le salaire du profit. Du reste, j’ai déjà professé publiquement de mon entière approbation de tout ce que vous dites sur les salaires dans votre chapitre sur les revenus industriels.

En s’éloignant du principe admis que l’offre et la demande déterminent la valeur échangeable, Ricardo et ses adhérents partent de la supposition que sauf pour quelques produits, qui sont l’objet de monopoles, l’offre est toujours limitée par les frais de production, et que dès lors un accroissement de demande ne peut pas agir d’une manière longue et définitive sur la valeur réelle ; continuant alors leurs déductions, ils en viennent à dire que tous les frais de production se résument en travail ; que conséquemment la valeur échangeable de tout produit est déterminée par la quantité de travail que sa production a réclamé, et qu’en définitive le travail est à la fois la cause et la mesure de la valeur. Vous avez, suivant moi, combattu avec succès cette doctrine dans votre chapitre sur le fondement de la valeur des choses.

L’erreur de la nouvelle école a double origine ; d’abord dans l’assertion que le prix naturel, ou la valeur échangeable, est uniquement déterminé par le prix de production, et ensuite dans l’idée que les frais de production se résolvent toujours en travail. Il est de fait, au contraire, qu’une foule de circonstances peuvent maintenir les quantités offertes au-dessous de In demande, et faire monter les prix au-dessus du taux où, sans ces circonstances, la concurrence les ferait tomber. Il y a alors l’effet d’une série de petits monopoles qui ne sont pas aussi exceptionnels que Ricardo le suppose. Cela devient même la règle générale, et les exemples où peut agir la concurrence illimitée sont peut-être, au contraire, l’exception. Les faits donnent donc un démenti à l’assertion que le travail est le seul élément déterminatif des frais de production.

Maintenant que vous savez que je partage vos idées sur les principes si bien développés dans votre Traité, et que j’admets la plupart de vos réfutations de certaines doctrines de l’école de Ricardo, permettez-moi de vous faire remarquer qu’il ne serait pas juste de dire que ces discussions ont retardé les progrès de la science. C’est déjà quelque chose que d’avoir essayé de poser des généralisations de principes, et si cette école n’a pas toujours réussi a s’établir sur un terrain solide, elle a eu, du moins, le mérite d’introduire l’usage d’une logique serrée dans le raisonnement, et, bien que ne réussissant pas toujours à prouver ses propres assertions, elle a souvent fourni les moyens de signaler les sophisme » chez les autres. Nous ne devons pas oublier d’un autre côté que l’ouvrage de Ricardo renferme des chapitres sur le commerce extérieur et sur les impôts, qui réunissent a la profondeur la nouveauté des