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Page:Say - Œuvres diverses.djvu/560

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pu, en principe, apercevoir la différence qui ferait qu’une pêche, comme vous le remarques justement, qui cause au palais un plaisir passager, constituerait une portion de richesse, tandis qu’une chanson ou un opéra destinés à plaire à l’oreille n’en feraient pas partie, quoique étant le fruit d’un travail et d’une dépense pareille.

À l’égard du mot valeur d’échange, en prenant le mot utilité dans le sens où vous l’entendez, je ne diffère pas essentiellement de vous dans tes définitions que vous en donnez ; mais je ne saurais m’empêcher de croire que vôtre idée serait mieux rendue en substituant au mot utile ou utilité, l’expression pouvant servir à l’usage ou aux jouissances. Cette expression embrasse les articles de luxe et de simple commodité aussi bien que ceux de nécessité ; mais j’entends fort bien que vous les comprenez sous la même dénomination d’utiles ; ce n’est que pour éviter que vous soyez mal compris, que je les regarde comme préférables.

Dans quelques-unes de nos dernières réunions de la Société d’Économie politique, la définition suivante des richesses a reçu l’assentiment d’une portion considérable de ses membres, et l’on est convenu de l’adopter comme exprimant la signification la plus générale de ce mot : Objets calculés pour l’usage ou la jouissance, et existant en quantité limitée.

Vous observerez que cette définition embrasse les produits immatériels et oblige les écrivains qui ne les admettent pas de les exclure expressément en donnant leurs raisons pour faire une telle exception. Les termes de cette définition ont été suggérés par moi. Jusque-là la condition qui, indépendamment de l’utilité, était regardée comme essentielle à ta valeur échangeable et conséquemment à la richesse, était que l’objet fût le produit de l’industrie ou du travail. Maintenant, quoiqu’en fait peu de choses, si même il y en a, soient pourvues de valeur échangeable, sans avoir coûté quelque portion de travail, il n’est pas néanmoins absolument nécessaire qu’elles soient le produit du travail. La condition essentielle est simplement que, se trouvant pourvus d’une valeur d’usage (de la faculté de pouvoir servir), elles soient limitées en quantité. La nécessité du travail est seulement une des causes, quoiqu’à la vérité la principale, qui limitent la quantité. Les conditions ainsi réclamées, savoir, l’utilité d’une part et d’une autre part la quantité limitée, me paraissent simplifier la considération du sujet qu’on a jusqu’ici mal à propos compliquée. En réalité, c’est réduire à ses termes les plus simples la question de savoir si les variations de valeur résultent des divers rapports qui existent entre les quantités offertes et demandées.

Croyez-moi, mon cher Monsieur, avec une sincère estime, votre, etc.