Aller au contenu

Page:Say - Œuvres diverses.djvu/664

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

ce matin, m’aider à trouver un autre gîte. Sans vous je me perdrais dans Paris. »

Je me rendis chez lui tout de suite, et nous sortîmes. Il s’informa s’il faisait froid, et sur ce qu’on lui dit que l’air était un peu vif, il prit sa redingote et parut très-surpris que je n’eusse pas la mienne. Il me loua de m’endurcir ainsi aux intempéries de l’air, et s’affligea de ce que sa santé exigeait toutes sortes de ménagements dont, entre nous, je crois qu’il n’avait jamais essayé de se passer. Nous allâmes jusqu’à la rue de Varennes, et le soleil de midi commençant à faire sentir sa chaleur, je m’aperçus que M. Minutieux étouffait déjà sous son accoutrement… « Je sue à grosses gouttes, me disait-il, mais je n’en suis pas fâché ; j’ai attrapé dans ce maudit voyage plus d’un rhume qui couve au dedans de moi, et cette abondante transpiration en emportera le germe infailliblement. »

Arrivés près des Invalides, nous trouvâmes une jolie maison portant écriteau ; nous entrâmes, et aussitôt mon compagnon, qui était tout en nage, demanda avant tout la permission d’entrer dans une chambre à feu : il en fit fermer toutes les portes et se tranquillisa pendant une bonne heure, jusqu’à ce que sa fraîcheur, revenue graduellement, lui permit de visiter l’appartement à louer. Par malheur, personne n’avait habité cet appartement depuis qu’on l’avait repeint à neuf, et M. Minutieux, qui redoutait l’odeur de la peinture par-dessus tout, ressortit aussitôt sans en demander davantage. Il m’assura que dans son pays, il avait eu une longue maladie pour avoir une fois traversé la rivière dans un bateau peint à l’huile nouvellement.

Lorsque nous fûmes de nouveau dans la rue, nous ne savions de quel côté tourner nos recherches ; lorsque par un très-grand hasard, j’aperçus un de mes amis, avec qui nous eûmes un moment de conversation. Aussitôt qu’il sut nos projets, il nous dit qu’il pouvait nous éviter bien des peines ; que la veille il s’était trouvé dans une maison de l’île Saint-Louis, où il avait vu un logement qui devait être notre affaire. La description qu’il en donna charma mon ami, et nous nous mîmes bravement en marche pour nous y rendre.

Des Invalides à l’île Saint-Louis il y a près d’une lieue, et nous n’étions pas à moitié chemin que M. Minutieux se trouva de nouveau dans un état de transpiration propre à emporter le germe de tous les rhumes de Paris. Ne sachant quel parti prendre, il entra enfin dans une boutique et y déposa sa redingote, en priant qu’on voulût bien la garder jusqu’à ce qu’il la fît prendre.

Arrivé à l’île Saint-Louis, il fut enchanté de la situation de ce quartier. Ces belles maisons, ces quais entourés par la rivière, et cette longue perspective qu’offre la Seine à son entrée dans Paris, lui causèrent un ravissement qui ne fut point tempéré par la vue du local indiqué, qu’il