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Page:Say et Chailley-Bert - Nouveau dictionnaire d'économie politique, supplément.djvu/102

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ANCIENNE — 88 — COLONISATION ANCIENNE


César, de retarder l’établissement du peuple comme cultivateurs sédentaires. Tacite, cent cinquante ans plus tard, parle des habitations fixes avec les terres distribuées d’après di- gnationem, que l’on peut interpréter comme signifiant ou la « dignité » des personnes ou la bonté des terres. Ces mots  : Aria per annos mutant et superest ager, très discutés, sont le plus souvent compris comme indiquant qu’on change tous les ans les places de cul- tures et qu’il y a encore une superfiuité de de terres. En tout cas, partout où Ton culti- vait des terres fertiles permettant une telle colonisation, on trouve chez les peuples, depuis les temps les plus anciens que nous connaissions, l’habitation ensemble et la cul- ture de champs communs distribués, pour être exploités, aux participants.

Le village teutonique se compose de 10 à 40 fermes situées, chacune isolément, sans aucun ordre défini. Le village embrasse le plus souvent une moyenne de 500 hectares de terres cultivées  ; la ferme, une moyenne de 15 hectares. Près des habitations sont de petits clos possédés en pleine propriété, d’un hectare environ ou un peu plus ou un peu moins, Toft en Allemagne et en Angleterre, devenu tôt ou tuit dans les noms de lieux en Angleterre, en Danemark et dans la Nor- mandie  ; Wi’rrth, en Allemagne  ; icorth, chez les Anglo-Saxons. Dans l’ancienne Italie, les citoyens et les colons paraissent avoir eu, d’une manière semblable, deux jugera près des habitations. La grande masse des terres cultivées forment de vastes champs, infield en Angleterre, Indmark en Danemark, Flur et Gemarkung en Allemagne. Il y a au moins un de ces grands champs pour chaque sole dans l’assolement, mais plus souvent un plus grand nombre, concordant avec les époques où l’on a étendu le défrichement, ou seulement éta- blis pour compenser les différences de ferti- lité et de situation. Plus tard, dans le moyen âge,rassolement comprend d’ordinaire 3 soles, ou 2, quelquefois plus ou moins  ; primitive- ment, au contraire, on faisait, pendant plu- sieurs années consécutives, une culture d’her- bages. Dans chacun de ces grands champs, Gewanneen Allemagne (que l’on suppose dé- rivé de Geivende, tour, mais plutôt de geu-in- nen, gagner ce qu’on a défriché ailleurs , Vang en Danemark, irong en Lincolnshire, furlong en Angleterre (de furrov  : long, Ion  ;.’ rayon, aussi Furlang ou Forling en allemand , chacun reçut sa part, une longue bande [Aas en danois), dans les cas où cela était possible, et la quantité qui pouvait être labourée avec une charrue dans une demi- journée {acre en anglais, de ager, Morgen, matinée, en allemand, aussi /î<  ;"Ha/is, journée,


Jocfi, lejugerum du latin)  ; ces bandes étaient séparées par des lignes de gazon.

On distingue, dans les anciennes lois Scandinaves, le Hammer.<kifte, Hammcr^kift, et le Sohkifte, Sohkift, ou partage d"après le Solfald. On entendait sans doute par H«w- merskifte l’ancien partage au sort des champs communs, qui se faisait à l’aide d’un marteau qu’on lançait devant soi, et où l’on croit retrouver le symbole du dieu Thor  ; d’après l’ancienne loi bavaroise, on lançait une hache qui indiquait, en retombant, l’emplacement où l’on pouvait élever une clôture pour la ferme  ; les Hongrois lançaient une flèche {distrihutio sagittaria). Le Solskifte était un procédé régulier, qui déterminait d’abord l’ordre des petits toft^ dans le village, et les distribuait d’après le sort  ; puis il déterminait, dans les grands champs, des bandes de ter- rain, dans le même ordre et la même orien- tation que les tofts. La loi autorisait à demander le partage par Sohkifte. En des- cendant chez les Teutons au sud, on retrou- vait cette coutume de distribuer les champs d’après l’ordre qui avait présidé à la distri- bution des enclos du village.

Cette distribution des terres dans les champs communs obligeait tout le monde à suivre le même mode de culture, Flurzu-ang, en Alle- magne. Après la récolte, entreprise par tous en même temps, ainsi que dans les années de jachère, les pâturages étaient utilisés en com- mun. Enfin, chacun avait sa part de jouis- sance dans les pâturages permanents com- muns, dans les marécages et les forêts. Ces dernières, utilisées pour leur bois, l’étaient encore davantage comme pâturages et spé- cialement servaient à la nourriture des porcs, comme maintenant encore dans certains pays. Le pâturage indivis, c’est le outfield ou commons en Angleterre  ; VUdmark ou Almin- ding, Fœlled, Overdrev en Danemark  ; l’al- milnning en Suède, le Mark, AUmeine, Gemeine, Almend, si célèbre encore, en Suisse et dans certaines montagnes de l’Al- lemagne. Fustel de Coulanges veut que le Mark n’ait désigné que les limites et non pas l’étendue  : le mot est continuellement em- ployé pour ces terres communes, mais il est vrai que ce sont surtout les auteurs modernes qui l’emploient pour indiquer toute la com- munauté.

On a voulu identifier les terres en commu- nauté de village {open field en Angleterre, d’après la façon dont se présentaient récem- ment encore ces terres sans clôture) avec l an- cienne terre anglo-saxonne dite folk-land. Ce mot désigne plutôt la même chose que ager puhikus chez les Romains, ager fiscalis, dit Palgrave, et est opposé au bok-land, la terre


COLONISATION