Aller au contenu

Page:Say et Chailley-Bert - Nouveau dictionnaire d'économie politique, supplément.djvu/108

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ANCIENNE


4. La colonisation teutonique sur sol celtique en Allemagne.

La colonisation teutonique sur sol celtique en Allemagne éveille des questions difficiles et d’un grand intérêt. On suppose qu’avant les Teutons, c’est-à-dire, jusqu’au iv^ siècle avant J.-C, des Celtes ont habité le nord- ouest de l’Allemagne actuelle et, beaucoup plus tard, une très grande partie de l’Alle- magne du Sud. Dans ces régions, on trouve, généralement, des fermes séparées, jamais de villages. M. Schwerz a indiqué très clai- rement les limites des territoires occupés par les fermes séparées en ^Vestpllalie. Presque jamais on ne trouve la colonisation en villages au delà du Weser, chez les Frisons des côtes de la mer du Nord, chez les Franks Saliens du bas Rhin et de la basse Meuse ni chez les Saxons Westphaliens, dans des limi- tes formées, en dehors du \Neser, par l’Osning et les Montagnes des Cheveux Rouges, Roth- haargebirge . Il n’y a qu’une exception, pour une pointe que le système des villages fait sur le Helweg, ancien pays des Bi’uctères et desMarses, jusqu’à Dortmund. On trouve, au contraire, des villages chez les Saxons Ost- phaliens et Engeren  ; mais ils ne paraissent pas avoir été très grands  : les noms se ter- minent souvent en heusen, pluriel du mot qui signiûe maison  ; et chez les populations plus à l’ouest, souvent en hof, singulier du mot qui signifie « ferme». Dans quelques parties, entre Lunebourg et Lippe, par exemple, leurs villages constituent souvent ce qu’on a appelé villages de transition  : ce sont des fermes séparées groupées en ligne sur les routes. M. Schaumann, auteur qui a écrit sur ce peu- ple, croit que tous les anciens Saxons ont colonisé par le système des fermes séparées. M. Haxthausen, le célèbre auteur qui a écrit sur la communauté chez les Russes et autres peuples, croit que le système des fermes sépa- rées a caractérisé tous les anciens Germains de l’Ouest, les Ingœvones. Le même fait, en tout cas, s’est produit chez une grande partie delà race bavaroise, qui a colonisé beaucoup des pays de l’Allemagne du Sud et spéciale- ment de l’Autriche. Les Teutons y ont ren- contré non seulement des Celtes, mais aussi des Rhéto-Romains qui étaient établis dans le Tyrol et dans la partie voisine de la Ca- rinthie.

Les Frisons n’avaient pas la mesure de la Hufe, manse ou ferme normale  ; ils n’avaient pas non plus les Marks, et cela, peut-être à cause de la nature de leur pays  ; les Saxons

des deMM.de Tourville, Desmoulins et de Calan dans la Bévue de la Science sociale. — Pour les communautés françaises, plusieurs articles dans la Réforme sociale et dans le Journal des Économistes.


— 94 — COLONISATION ANCIENNE

westphaliens connaissaient la Hufe, intro- duite chez eux peut-être par le régime frank  ; ils avaient également des Marks.

La théorie de M. A. Meitzen, le savant économiste qui a spécialement traité ces questions, est que les Teutons se sont établis dans le nord-ouest de l’Europe centrale, avant d’avoir développé eux-mêmes la coutume de la vie en villages. C’était dans la période dont parle encore César dans les renseigne- ments qu’il donne sur les Suèves. Ils ont donc, en même temps qu’ils s’emparaient des habitations des Celtes après les avoir conquis, ou plutôt chassés, adopté leur ma- nière de vivre. Il croit même retrouver là le motif de la manière dont l’on construit dans ces régions. La ferme des Franks consiste en bâtiments séparés, celle des Danois éga- lement, et toujours en forme d’un carré fermé  ; forme qui se retrouve aussi chez d’autres Teutons de l’Est et qui s’est dévelop- pée dans la plaine, où il était utile de clôturer les aménagements de cette manière. La ferme appelée ferme saxonne ou westphalienne (qu’on retrouve aussi dans le Holstein jusque dans la toute petite partie du Slesvig qui est allemande depuis l’antiquité, et aussi, sous une forme un peu modifiée, dans la Frise), est un grand bâtiment comprenant tout ensemble le ménage du paysan, les granges, étables, etc. M. Meitzen croit pouvoir identi- fier celte forme avec celle de l’ancienne maison celtique qu’on trouve en Irlande, par exemple. Il distingue même l’influence qui a été exercée sur les coutumes des divers peuples allemands selon que chaque peuple acolonisé entièrement ou partiellement sur sol celtique ou non. Il croit, par exemple, que les Saxons établis sur la rive droite du Weser et dans le Holstein, ont appris la construction de leurs habitations chez leurs frères de la rive gauche, qui s’étaient installés sur sol cel- tique. Le genre d’habitations s’est même ré- pandu chez les Slaves dans le Holstein orien- tal et jusque dans la Poméranie ultérieure, par l’intermédiaire des colons bas-saxons. L’intérieur de la maison Scandinave, ainsi que celui de la maison slave, a, prétend-on, subi plutôt l’influence de la maison grecque. Il est cependant probable, qu’il a subi aussi, notamment en Norvège et en Islande, une influence celtique considérable.

L’ensemble de la théorie de M. Meitzen est pourtant si étrange qu’on s’arrête involontai- rement pour en douter et pour se demander si des coutumes ditl’érentes ne peuvent s’être développées chez une même race d’après les difîérentes conditions naturelles dans les- quelles elle a vécu, dans les plaines ou dans un pays accidenté et de forêts, par exemple.


COLONISATION