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de l’une des branches les plus importantes de la science sociale. Le livre était destiné aux étudiants en droit. C’est un des ouvra^’os que Courcelle-Soiieuil a peut-être écrit avec le plus de soin, où il a condensé plus spécialement ses idées générales. Il s’y occupe, en effet, non seulement de droit mais de morale, et défend, encore là comme dans sa Morale Rationnelle publiée quelques années avant, la morale utilitaire.

Plus Courcelle-Seneuil avançait en âge, plus il revenait à ce qui avait fait l’objet de ses études premières, la science sociale. Il avait apeuprès abandonné les travaux techniques après avoir écrit son Traité théorique et pra- tiijue des liamiucA qui eut un si grand succès, ainsi que son livre sur les Enlrep’ixcx indus- trielles et commerciales. Son intention était de résumer, en un dernier volume d’ensem- ble, ses études sur la société  ; mais sa santé, fort atteinte, l’empêcha de mettre ce projet à exécution. 11 dut se résoudre, ainsi qu’il l’explique dans sa courte préface de la Société Moderne, â réunir et à classer ses études sur cette matière, éparses en différents recueils. Ce qui domine en Courcelle-Seneuil pour (jui l’a bien étudié, c’est l’esprit critique plein de linesse pour trouver le sophisme et de force pour le dénoncer. Il est impitoyable envers les formules toutes faites dont le vague a souvent assuré le succès  ; il écarte avec dé- dain tout ce qu’il n’aperçoit pas solidement établi sur les bases de l’observation et du raisonnement. Par sa méthode il est positi- viste, et, comme Spencer, déclare qu’il est inutile et imprudent de s’aventurer sur des terrains inconnus où l’esprit ne peut plus observer et comprendre. Mais il ne critique pas pour critiquer, dans le but de se faire une renommée. Il sait de quel poids est l’o- pinion au sein de nos sociétés démocratiques  ; il n’ignore pas à quelles sources troublées cette opinion va chercher ses inspirations, et alors il s’efTorce de tracer le plan d’un en- seignement rationnel et de mettre en garde contre les leçons mal conçues de l’histoire.

Au moment où tant d’esprits incertains pliaient devant le grand courant protection- niste, Courcelle-Seneuil fut parmi ceux bien rares qui demeurèrent fidèles aux principes de liberté. Kt non pas en résigné, satisfait de n’avoir qu’a protester dans les conversa- tions journalières de son attachement aux doctrines qu’il avait professées toute sa vie, mais bien la plume à la main, en homne qui savait qu’on ne défend réellement ses idées qu’en tirant sur ceux qui les attaquent.

L’œuvre de Courcelle-Seneuil est considé- rable, aussi bien par la profondeur de la pensée que par la variété des problèmes


qu’il a abordés. Elle est une source abon- dante en idées, où pourrontpuiser tous ceux qui s’adonnent sérieusement à l’étude de la science sociale.

Courcelle-Seneuil était entré au conseil d’État «n 1S79. Depuis 1882, il faisait partie de l’Institut.

André Liesse.

COURNOT (Antoine -Auguste) est né à Crav (Haute-Saône) en 1801. Reçu à l’École normale vingt ans après, il entra bientôt dans l’Université où il fournit une longue et laborieuse carrière. Il débuta dans l’adminis- tration comme inspecteur adjoint d’académie à Paris, ne professa que peu de temps à Lyon (1834-1835), fut nommé recteur de l’académie de Grenoble (1835), puis inspec- teur général des études en 1838, et enfin rec- teur a Dijon en 18j4. Il est mort en 1877.

Si l’on en excepte les tentatives de Condorcet, d’ordre plus général (Voir Méthode), Cournot est le premier en date qui ait fait, avec la méthode mathématique, une œuvre économique digne d’attirer l’attention. Avant lui, Canard avait essayé, sans succès scientifique d’ailleurs, d’ouvrir cette voie nouvelle. Cournot le constate dans la préface de son ouvrage : Recherches sur les principes mathématiques de la théorie des richesses, et critique en ces termes Canard (voy. ce mot), auteur des Principes d’économie politique (an X) couronné par l’Institut  : Ces principes sont si radicalement « faux, écrit-il, et l’application est tellement erronée que le suffrage d’un corps éminent n’a pu préserver l’ouvrage de l’oubli )’. Mais plus tard Cournot devint moins ironique et, à la suite de l’insuccès presque absolu de son premier livre sur la théorie mathématique de la richesse, il abandonna complètement les formules lorsqu’il écrivit, en 1803, ses Principes de la théorie des richesses.

Nous avons indiqué au mot Méthode les] difficultés qu’éprouva Cournot pour traduire, au moyen de l’algèbre, la complexité des phénomènes économiques. Nous n’y reviendrons pas ici. Toutefois, il est intéressant de montrer que, dans son premier ouvrage, il hésitait quelque peu devant les résultats assez inattendus de ses recherches. Généralement, il prend une théorie de Adam Smith ou de Jean-Baptiste Say et tente de la vérifier. Or, le plus fréquemment, la solution trouvée par Cournot est opposée à celle de ces économistes. R en est ainsi, par exemple, pour les barrières de douanes et leurs conséquences. Après une suite de problèmes, dans lesquels l’économiste-mathématicien établit assez bien l’influence du concours des pro-