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FONCIER


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CRÉDIT FONCIER


avaient été fondées dans des pays de grande propriété et d’aristocratie territoriale.

3. La suppression de la dette hypothécaire par le crédit foncier.

Les promoteurs des institutions de crédit foncier en France espéraient qu’elles allaient supprimer l’emprunt hypothécaire isolé , remboursable à court terme et à échéance fixe. Selon Fliabitude des législateurs, ils représentaient qu’il « était urgent de venir en aide à la propriété»  ; et pour le prouver, M. Chegaray, dans son ra]iport à l’assemblée nationale en I80I, calculait que le mon- tant de la dette hypothécaire était de 8 mil- liards, son intérêt, frais compris de 7 p. 100, d’où il résultait une charge annuelle de 560 millions pour un revenu brut de 1920 millions, dont il fallait déduire 240 mil- lions, pour le principal et les centimes addi- tionnels de l’impôt foncier. Près des deux cinquièmes du revenu étaient donc absorbés par l’impôt réuni à l’intérêt de la dette. On représentait la dette s’élevant chaque jour davantage  : M. Léon Faucher, un économiste cependant, montrait en 1848 à l’assemblée, la propriété foncière surchargée d’une dette annuelle de 5137 millions de francs, et il di- sait  : « Si vous ne procurez pas à l’agricul- ture des capitaux à un prix modéré, la propriété foncière marchera infailliblement à la banqueroute. »

Les promoteurs du crédit foncier ne s’apercevaient pas qu’en proposant la créa- tion d’institutions de crédit, destinées à faci- liter les prêts hypothécaires, loin de les diminuer, elles devaient contribuer à les augmenter, si elles remplissaient bien leurs fonctions. Je cite ce fait pour montrer une fois de plus la contradiction existant trop souvent dans les œuvres législatives, entre les motifs invoqués et l’objet proposé.

Les institutions de crédit foncier n’ont point, en effet, diminué la dette hypothécaire de la France. D’après une enquête faite en i 870, le montant réel de la dette hypothécaire, déduction faite des inscriptions périmées, mais non rayées, était de 13536 millions auxquels il fallait ajouter 832 millions d’inscriptions prises à la requête du crédit foncier, soit un total de 1436’J millions. Ce chiffre s’est encore élevé de plusieurs millions et les inscriptions du crédit foncier qui, depuis l’origine, sont montées à 88000 et au chilTre de 3 845 millions, s’élevaient, au 31 décembre 18U3, à 1913 millions.

Ils nous indiquent dés maintenant deux choses  : 1’^ que l’institution du crédit foncier n’a pas eu pour résultat de diminuer la dette hypothécaire, ce qui était à prévoir  ;


2" Que l’institution du crédit foncier n’a pas supprimé le prêt hypothécaire isolé, à échéance fixe et brève pour le rembourse- ment intégral et qu’il ne représente qu’en- viron la huitième ou neuvième partie de la dette foncière.

J’ajoute que, malgré ces résultats, la pro- jiriété foncière n’a pas fait bancjucroute depuis près d’un demi-siècle que M. Léon Faucher formulait sa prédiction alarmée  ; ce qui prouve ([ue les législattuirs doivent se garder de grossir les dangers, pour préco- niser des remèdes qui souvent les aggravent, ou n’ont pasTcflicacité qu’ils en attendaient.

J’ajouterai toutefois que lorsque les pro- moteurs du crédit foncier prévoyaient qu’ils pourraient abaisser le taux du prêt hypo- thécaire, ils avaient raison. Dès la fin de la seconde année de l’existence de cet éta- blissement, Wolowski pouvait dire à l’assem- blée des actionnaires  :

« L’influence de notre institution s’est déjà montrée  : dès que nos opérations ont commencé, l’intérêt a baissé dans les tran- sactions hypothécaires ordinaires, l’existence seule du Crédit foncier a suffi pour amener ce changement qui a profité à la propriété foncière. »

C’est là un résultat de la concurrence  ; mais ce fut la propriété urbaine qui en pro- fita et non « l’agriculture » dont parlait M. Léon Faucher.

L’intérêt du Crédit foncier est si bien d’augmenter la dette hypothécaire qu’il se plaint quand des remboursements anticipés la diminuent  : « la situation, dit le con- seil d’administration dans son rapport le 6 avril 1892, s’est encore améliorée pendant le premier trimestre de l’année 1892  ; le chiffre des remboursements anticipés n’a été que de 20 millions au lieu de 30 millions pendant la même période de 1891. »

Depuis son origine, le crédit foncier a fait 90325 jirêts i)0ur une somme totale de 3 90S millions. Sur ce chiffre 1 668 millions lui ont été remboursés par anticipation et 370 seulement par amortissement. Il est vrai que, dans ce chifi’re, sont compris les prêts communaux  : il faut ajouter que beaucoup de ces remboursements prouvent non pas que le débiteur est dégagé de sa dette, mais qu’il a changé de créancier.

Du reste, l’activité des prêts hypothécaires est si peu une preuve de détresse qu’en 1878, en même temps que les prêts demandés au ci’édit foncier s’élevaient dans une pro- portion beaucoup plus considérable ({ue les années précédentes, les remboursements anticipés les avaient presque égalés.

C’est un vieux préjugé que de considérer


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