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Page:Say et Chailley-Bert - Nouveau dictionnaire d'économie politique, supplément.djvu/156

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se livre à des attaques assez directes contre Malllius et ses théories.

Bibliographie.

The True Theory of Popnlaiion est analysée pp. 218 et sui- vantes dans \eMthnoiresur le Paupérisme dans les Flandres lie Uu(-peliau\. Bruxelles, 1844.

DUMOULIN (Cliarles),plus connu à l’étran- ger sous son nom latinisé de MoLiN.KL s, naquit en loUO et devint avocat au Parlement de Paris. Il mourut en loOO. Appelé le prince des jurisconsulles français, il mérite ce titre par l’ampleur de son érudition, la rigueur de ses raisonnements et l’étendue de son horizon intellectuel, mais la lourdeur de la forme fait tort à la valeur du fond de ses écrits. Sa conversion au protestantisme et la publication de son traité sur les usures [Tradatus Commerciorum et Usuranan, Redi- tuiimque pecunia constiiittorum et Monetarum, 1 vol. Paris, lo4G) lui attirèrent de persis- tantes inimitiés qui le forcèrent à s’expatrier et à aller enseigner dans des Universités allemandes, notamment à Strasbourg. Il était du reste d’humeur peu portée aux conces- sions  : <c Ego qui neminl cedo, disait-il, nec a neniine doceri possum. •>

Si son contemporain Calvin est le premier des théologiens protestants qui ait rejeté l’enseignement de l’Église en matière de prêt à intérêt, Dumoulin est le premier en date des grands jurisconsultes, qui ait abondé dans le même sens. Repoussant « les am- bages infinis, les erreurs et les paralogismes nombreux où sont tombés les théologiens scolastiques, les canonistes et les légistes et dont sont remplis leurs livres épineux », il entend démontrer « qu’ils n’ont pas com- pris l’objet de la loi divine, qui est la charité, ainsi qu’il ressort des enseignements du Christ )).

« La loi divine n’interdit l’usure et ne la déclare illicite qu’en tant qu’elle est contraire à la charité », Tusure, synonyme d’intérêt, « étant tout ce qui se perçoit en sus du capital prêté {(luicquid ultra sortem mutuatam percipitur) ». C’est l’exploitation de la misère et de la détresse que le Christ a seule con- damnée  ; « si le débiteur peut sans se ruiner restituer le capital prêté avec quelque inté- rêt {cum aliquo focnore)..., le Christ n’en prohibe pas la répétition, même devant un tribunal, pourvu qu’il soit toujours et par- tout tenu compte de la charité que nous devons à notre prochain dans la pauvreté. » Intervertissant l’interprétation de ceux des docteurs, qui, portés à l’indulgence, avaient cherché à légitimer des intérêts raisonnables en invoquant le damnum emergens, Dumoulin soutient que c’est le lucrum cessans qui doit


DUNOYER


servir de base àrcstiniation des intérêts dus au créancier,

II fait valoir avec force et à diverses re- prises la considération qu en s’obstinant à repousser les usures raisonnables et libre- ment débattues, on ferme la porte à des contrats justes et utiles et qu’on emprisonne dans un filet les besoins du commerce et ceux des peuples eux-mêmes. A l’Église, qui avait validé les constitutions de rentes perpé- tuelles et leur avait témoigné une véritable prédilection, il démontre combien ces rentes avaient été en fait des succédanés du prêt à intérêt honnête  ; que prêter sans hypothèque, ni caution, sur la seule obligation person- nelle du débiteur, écarte tout soupçon d’usure illégitime, et que malgré tous les prétextes invoqués, les hypothèques spé- ciales et générales n’ont pas été inventées en vue de justifier les rentes, mais unique- ment en vue d’affermir la sécurité des créan- ciers.

La doctrine de Dumoulin tend donc en substance à établir l’accord de la loi divine et de la loi naturelle pour reconnaître la va- lidité et futilité du contrat de prêt à intérêts, sans aller toutefois jusqu’à sanctionner la liberté illimitée d’en fixer le taux. Elle considère comme coupables les usuriers au sens moderne du mot, mais elle les considère comme moins dangereux que les marchands rapaces et voleurs, et Dumoulin appelle ainsi tous ceux qui font payer leurs mar- chandises aux malheureux beaucoup au- dessus du juste prix. « Les rapines de ces pirates terrestres, s’écrie-t-il, constituent en réalité un crime trois fois plus inique, plus redoutable et plus odieux que l’usure. » Aussi exhorte-t-il avec véhémence les juges à ne pas les ménager et à ne pas réserver aux seuls usuriers les rigueurs de la répression pénale.

È. Castf.lot.

DUNOYER (Barthélémy-Pierre -Joseph - Charles), né à Carennac (Lotjle 20 mai 1786, mort à Paris, le 4 décembre 1862.

C’est l’honneur de l’économie politique et, en particulier, de l’école libérale française, de compter, au nombre de ses écrivains, des hommes qui furent, en même temps, des savants et des hommes d’action, à une époque où il y avait quelque courage à combattre l’absolutisme au nom de la liberté. J. B. Say, Ch. Comte et Dunoyer n’ont pas seulement su garder, avec une opiniâtreté intrépide, la foi en leurs idées, ils l’ont proclamée, dé- fendue à leurs dépens, tout en agrandissant le domaine de la science.

Le nom de Uunoyer est donc attaché au nom de J. B. Say, qui fut son premier maître


DUNOYEU


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