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Page:Say et Chailley-Bert - Nouveau dictionnaire d'économie politique, supplément.djvu/186

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HEGEL


HARRINGTON (James), 1611-77, avait étu- dié a i’Luiversité de Cambridge, voyagé et servi dans l’armée, lorsque, sous le protecto- rat de Cromwell, il publia son Oceana (ICoO) afin de proposer ses idées sur le gouverne- ment de l’Angleterre. Le livre, mal accueilli des républicains et des royalistes, est d’ail- leurs lourd, diffus et bourré de citations. Ce qu’il a de particulier, c’est que Harrington veut donner à l’organisation politique une base économique, la propriété foncière, « car, dit-il, toute autre propriété est en quebjue sorte suspendue eu l’air ». Toutefois il con- sent à laisser partager ce rôle à la fortune mobilière dansles républiques commerçan- tes, n’ayant qu’un territoire exigu, telles que la Hollande et Gènes. Nul ne pourra posséder de domaines d’un revenu annuel supérieur à 2000 livres sterling, ce qui constitue une marge très généreuse, surtout pour l’époque, et le gouvernement se décomposera « en une superstructure de trois ordres, le sénat déli- bérant et proposant, le peuple décidant, et une magistrature executive élue suivant un système de roulement par le suffrage popu- laire ».

Montesquieu, qui connaissait VOceana, la tient en assez médiocre estime. «Harrington, écrit-il dans VEsprit des Lois (Livre XI, Chap. VI), a examiné quel était le plus haut point de liberté où la constitution d’un État peut être portée. Mais on peut dire de lui qu’il n’a cherché cette liberté qu’après l’avoir méconnue et qu’il a bâti Chalcédoine, ayant le rivage de Byzance devant les yeux ».

Dans son essai sur Vidée d’une République Parfaite, Hume se montre moins rigoureux et repoussant la République de Platon et y Utopie de Thomas Morus, trouve que seul de tous les plans d’État modèle, qui ont été soun)is au public, VOceaiia a de la valeur. Cependant, lui aussi, ne ménage pas ses cri- tiques. Le système de roulement excluera par intervalles du gouvernement des hommes d’une capacité reconnue. La limitation de la fortune foncière des citoyens sera inopérante en pratique, car ils trouveront aisément des prèle-nom, jusqu’au jour où, lassés de cette dissimulation devenue de plus en plus fréquente, ils se mettront ouvertement en contradiction avec la loi. Enfin les libertés publiques seront mises en danger par suite du rôle prépondérant du Sénat  : grâce à son droit de consultation préalable, celui-ci pourra toujours écarter une mesure, qui lui déplaira.

Bibliographie.

Une traduction française de VOceana a été publiée à Paris en l’an IV. Voir aussi Bonar Philosophy and Political Economy (Londres 1S93, pp. 87-90).


HEGEL.

SOMMAIRE

1. Biographie.

2. Doctrine de Hegel.

3. Influence de Hegel. Bibliogi’aphie.

1. Biographie.

Hegel (Georg-Wilhelm-Friedrich). philo- sophe allemand, est né à Stuttgart en 1770, etest mortà Berlin en 1831. Sa famille était de petite bourgeoisie. Son père occupait un poste dans l’administration financière du grand- duché de Wurtemberg. Le jeune Hegel fit ses études classiques au gymnase de Stuttgart, de 1178 à l’SS. Mais il s’occupa plus de lettres grecques et latines et d’esthétique contemporaine que de science et de philo- sophie. Déjà pourtant il lisait Rousseau. A sa sortie, on le destina à la théologie. Il entra comme élève boursier au séminaire de Tubingue, en 1788. Il détesta de prime abord la discipline intellectuelle et matérielle qui régnait dans l’institution. Il négligea la théologie et commença à lire Kant et Jacobi, à traduire Platon. Lorsque éclata la Révolu- tion, il organisa avec quelques camarades un club révolutionnaire secret à l’Université. Ses premiers travaux, par lesquels il con- quit ses grades en 1790 et 1793, traitaient de la possibilité de concevoir une morale indé- pendamment du dogme théologique  ; il évita l’épreuve de théologie positive en choisissant un sujet d’histoire de l’Eglise.

Rien, dans les années qui suivirent, ne fait prévoir encore chez lui la formation d’un système. Précepteur à Berne de 1793 à 1796, il s’occupa surtout d’histoire. Il compléta ainsi son émancipation religieuse. Il lut Gibbon, Montesquieu, Raynal, Hume et Schiller. Dans une Vie de Jésus, qui date de 1793, il essaie de reconstituer la biographie du Christ en faisant abstraction de tous ses miracles. Dans une Critique de l’idée de reli- (jionpositive (1796) il se propose de déterminer les conséquences pratiques du christianisme. Il établit que le christianisme n’a pu vivre qu’en déviant de ses principes. Il aurait péri s’il avait conservé le principe de la commu- nauté des biens. L’Kglise en fit le principe de l’aumône chrétienne. Mais elle capitalisa à son profit les offrandes et fonda ainsi sa ri- chesse, garantie de sa durée. Le principe de l’égalité chrétienne qui faisait de l’esclave le frère de son maître, dut être interprété dans le sens d’une égalité « aux yeux de Dieu » qui ne nuisait pas à l’autorité terrestre. L’étude que Hegel fit de Fichte, d’abord de la Critique de la révélation et ensuite de la Théorie de la science, date de ce temps, et exerça sur lui une action profonde.


HEGEL