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Page:Say et Chailley-Bert - Nouveau dictionnaire d'économie politique, supplément.djvu/234

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ROGERS


par annéo  : le seul reproche qu’une critique méticuleuse pourrait lui adresser, c’est de ne pas indiquer la source précise de chaiiue ronsoignement, et de s’être le plus souvent contenté de l’indiquer en gros. VHh- toivc des neuf premières ai^nées de la banque d’Angleterre est également fondée sur une série de cotes des fonds publics anglais de la lin du xvii" siècle, exhumée et mise au jour par l’auteur.

Toutefois, malgré son goùtpourles travaux d’érudition, auquel nous sommes encore rede- vables d’un volume d’Extraits du dictionnaire théologique {Liber Veritatum) de Gascoigne, théologien anglais du xv^ siècle, et d’un recueil d’Oxford Citi/ Documents, financial andjudicial, 1268-1665, Thorold Rogers était à cent lieues de se désintéresser des questions à l’ordre du jour. Il se jetait volontiers dans la mêlée des partis et ses deux autres principaux ou- vrages, l’Histoire de six siècles de travail et de salaires et l’Interprétation économique de l’histoire (traduit en français en 1892), n’ont rien de la sérénité du savant, qui, enfer- mé dans son cabinet, écarte soigneusement les bruits du dehors. Chez Thorold Rogers, l’historien économique, qui est de premier ordre, ne dépouille jamais le membre zélé et actif du parti radical anglais. L’ami et l’éditeur des Discours de Cobdeu et de Bright attribue sans hésitation toutes les souffrances du peuple anglais aux exactions de l’aristo- cratie et à la constitution aristocratique de la propriété foncière. Cependant, il a des pré- dilections pour certaines institutions du moyen âge  ; dans son Histoire commerciale et indus- trielle de l’Angleterre, fragments posthumes publiés par son fils, il recommande comme remède à la crise agricole, la généralisation des chief-rents, véritable tenure à cens per- pétuel, qui est encore en usage dans le nord du Royaume-Uni. Néanmoins cet avo- cat résolu des fermiers répudie avec énergie tout projet de nationalisation de la terre  ; ce qui lui tient à cœur, ce n’est pas l’aboli- tion de la grande propriété, c’est le mor- cellement de la culture et la reconnaissance légale du droit de jouissance stable et perma- nente des petits fermiers cultivateurs. L’atti- tude qu’il entend prendre est celle d’un dé- mocrate agraire, nullement d’un collectiviste. La suprématie traditionnelle des grands propriétaires fonciers n’était pas seule à exciter la bile de Thorold Rogers  ; l’anti- pathie qu’ils lui inspiraient, s’étendait aux docirines des économistes anglais du début de ce siècle. Ricardo et sa théorie de la rente, Malthus et sa théorie des rendements agriculturaux décroissants sont constamment l’objet d’une critique véhémente, qui passe


fréquemment au sarcasme et même à l’in- vective. Jamais il ne se lasse de dénoncer les méfaits de ce qu’il appelle l’économie poli- ticjue métaphysique et il a passé sa vie à les traduire au tribunal de l’histoire, c Les éco- nomistes (classiques), lisons-nous dans la préface de l’Interprétation économique de l’his- toire, sont profondément ignorants des con- ditions sociales au sujet desquelles ils dogma- tisent à perte de vue... J’ai le plus profond mépris, et j’espère le conserver toujours, pour l’économie politique de cette espèce. » ].’ Interprétation économique de l’histoire est de 1888, mais cette aversion pour le raison- nement abstrait était ancienne chez Tho- rold Rogers, car il avait déjà écrit longtemps auparavant que pour « être scientifique, l’économie politique doit constamment de- meurer inductive ». (Préface de son édition de l’Essai sur la 7’ichessc des natioiis d’Adam Smith.)

Nous n’avons pas à entrer ici dans la vieille querelle entre économistes déduc- tifs et inductifs  ; la préférence pour l’une ou l’autre de ces méthodes est une ques- tion de tempérament personnel, et tout éco- nomiste complet, comme Adam Smith par exemple, se sert des deux et n’en repousse aucune de parti pris. Quoi qu’il en eût, Tho- rold Rogers faisait de même à l’occasion et il lui est arrivé de vérifier l’exactitude d’un fait historique au moyen de la simple cons- tatation de l’existence d’un cfTet reconnu d’une loi économique.

Aussi n’est-il pas de l’école allemande pour qui toute loi économique est forcément rela- tive. Trop riche de son propre fonds pour aller à l’emprunt chez le voisin, trop Anglais pour pousser à l’extrême aucune théorie, il dé- clare expressément « qu’il est des générali- sations économiques qui sont d’une applica- tion aussi universelle qu’elles sont fondées en vérité »  ; il se contente de rejeter ce qu’il appelle « les logomachies, qui n’ont aucun rapport avec les faits de la vie sociale ». J’ai déjà dit qu’il range impitoyablement la théorie de la rente et celle des rendements décroissants au nombre de ces « logo- machies ». C’est que même si le principe de l’existence de lois économlcjucs natu- relles est accepté, la question du départ à faire entre les vraies lois naturelles et les généralisations artilicielles ou hâtives est délicate à trancher et que chacun trace la ligne de démarcation au gré de ses préférences et de ses sympathies. Partisan convaincu du libre-échange et de l’émanci- pation politique et économique des classes travailleuses, peu enclin à ménager les inté- rêts des rentiers fonciers et des propriétaires,


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