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CLASSES) — 233 — RURALES (CLASSES)


traits, les différences sont dues aux diflfércnls systèmes de l’ancienne colonisation.

Ce n’est principalement, même dans l’Alle- magne du Nord-Est, comme ailleurs dans le Nord, dans les pays Scandinaves et en Angleterre, que du xv<= au xvin’ siècle que les grandes fermes se sont développées. Elles sont, en tant que propriétés, le fruit du dé- veloppement aristocratique du moyen âge  ; il y a surtout de bonne heure de grandes exploi- tations dans les pays slaves colonisés par des Allemands, pays oîi il y a un grand nombre de dépendants d’origine slave  ; mais même là, elles ont été créées principalement dans la période où ce ne sont plus particulièrement les nobles qui servent dans les guerres  ; c’est lorsque leur période de services politiques et militaires est presque finie, quand ils ont été vaincus par les yeomen anglais à Azincourt, par les paysans suisses à Sempach et en d’autres batailles, par les Hussitcs en Bohème  ; c’est en Allemagne après lo30 et la guerre de Trente-Ans  ; c’est plutôt quand commence la période des fortes monarchies, qu’ils font ce qu’avaient fait les anciens guerriers teu- toniques après leur période de conquête, qu’ils deviennent agriculteurs.

On a dit que les grandes fermes se déve- loppent en dehors et au-dessus de la com- munauté agricole. Leur existence est, en partie, due à ceci, qu’elles peuvent défricher et augmenter leurs champs. C’est ce que font les nobles avec leurs fermes principales et ils en établissent d’autres dans leurs posses- sions plus lointaines, Voncerke en Allemagne, Ladegaard en Danemark, tandis que le Sù’de- gaard est la « ferme de siège », la résidence. Cependant, les grandes fermes continuent souvent aussi, dans presque tous les pays, à faire partie des champs communs des vil- lages. Il n’y a probablement pas de pays oîi les trois classes d’exploitations rurales puissent être distinguées d’une manière plus évidente qu’en Danemark, etlà, le père de l’au- teur du présent article s’est occupé, encore au commencement de ce siècle, de séparer les terres seigneuriales de celles des paysans, cultivées jusqu’alors les unes et les autres de la même manière dans les grands champs communs tant a été tardif tout ce dévelop- pement.

Dans la monarchie habsbourgeoise, la si- tuation diffère de celle de l’Allemagne du Nord-Est surtout sous ce rapport qu’il n’y a pas autant de petits nobles cultivant leurs propres terres, de hobereaux, qu’en Prusse  ; les populations slaves, magyares, roumaines sont restées dans les plaines  ; les Allemands n’ont pénétré comme paysans que dans les montagnes. La conséquence a été qu’au lieu


d’un grand nombre de propriétés de hobe- reaux, on a de très grandes propriétés com- posées de grandes fermes et de fermes pay- sannes appartenant aux princes et â d’autres grands seigneurs. Dans la Prusse moderne, c’est aussi dans la Silésie autrefois autri- chienne qu’on trouve surtout les très grande» propriétés.

7. La situation des paysans dans le moyen âge.

La situation des paysans dans le moyen âge est très différente dans les divers pays, selon l’origine de la société, selon le carac- tère des gouvernements et les idées des juris- consultes, selon les guerres et leurs résultats. Nous avons parlé de la confusion du pouvoir public et du pouvoir privé, des droits et de- voirs publics et privés. Les auteurs parlent trop du droit et des institutions, aux dépens de la situation économique  ; mais il faut admettre que celle-ci est souvent réellement créée ou, au moins, profondément modifiée par la situation juridique et politique. La juridiction elle-même est souvent liée à la propriété et, d’autre part, crée souvent des droits privés qui prennent le caractère de propriété, pour le magistrat et pour ses admi- nistrés. Des exemples instructifs nous sont fournis par l’Inde moderne, où les despotes ont tantôt confisqué la propriété, tantôt l’ont fixée chez les percepteurs de taxes comme seigneurs féodaux ou comme propriétaires modernes  ; où différentes races ont parfois aussi superposé leurs droits les uns sur les autres  ; et où les Anglais enfin ont tantôt, dans le Bengale et l’Oude, par exemple, érigé des percepteurs de taxes en grands proprié- taires en donnant ou non des droits aux cul- tivateurs, tandis qu’ils ont, dans d’autres parties, fait la même chose des chefs de village et que, dans d’autres régions encore, ils ont donné aux paysans le droit direct de propriété ou seulement de possession, c’est- à-dire sans intermédiaire entre eux et l’État.

Dans le xi= siècle, les paysans sont repré- sentés, dans une grande partie de l’Alle- magne, comme des colons attachés à la terre. Nous avons parlé des villeins de l’Angleterre, et nous rencontrons des classes similaires en France et dans d’autres pays, souvent avec les mêmes noms, alors même qu’il y aurait parfois des nuances dans la signification, tordarii, en France comme en Ani :leterre, etc. Les hof’pites sont une classe particulière du midi de la France. Lamprccht suppose que, dans le xi’’ siècle, plus de la moitié des pay- sans allemands se trouvaient dans une posi- tion demi-libre. En France, le cultivateur était d’ordinaire ascriptus glebœ. Une partie des cultivateurs, spécicdement les anciens es-


RURALES (