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Page:Say et Chailley-Bert - Nouveau dictionnaire d'économie politique, supplément.djvu/28

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dernes pour la révolution sociale dans le pré- sent et l’avenir  : « Il est évident que, dans l’ère prochaine de l’histoire universelle, ils seront le facteur décisif. » La dynamite sera l’Hercule qui fera tomber, les chaînes de l’es- clavage. « De même que l’invention de la poudre et des armes à feu, lit-on dans un de leurs poèmes, en brisant la féodalité, a éman- cipé la bourgeoisie, de même la dynamite émancipera le quatrième État. Hourra pour la dynamite ! hourra pour la science ap- pelée à faire le bonheur des hommes ! »

Ainsi la science, à qui nous devons la vac- cine, nous fournit aussi la dynamite. « Enri- chissant l’outillage du crime comme celui de l’industrie, elle lui prête une puissance monstrueusement croissante de destruction, et rend ridée et le dessein du crime accessibles à des creurs plus lâches, plus nombreux, à un cercle toujours agrandi de consciences molles ^. » — Les anarchistes font, comme le constate encore M. Tarde, des progrès jour- naliers dans le maniement des engins de meurtre, et, d’après M. Girard," ils étudient la confection d’une petite boulette de la gros- seur d"une noix qui, jetée le soir à vingt- cinq pas sur un groupe d’individus, tuera certainement l’homme visé et les cinq ou six innocents qui l’entourent ».

5. Organisation du parti. — Son histoire.

Le parti anarchiste s’est rattaché pendant quelque temps à l’Association internationale des ouvriers, fondée en ]864à Londres par Karl Marx. Bakounine (V. ce mot) avait com- mencé a répandre ses idées dès 1860, et avait organisé lui-même, d’après les principes anar- chistes, en 1868, V Alliance internationale de la démocratie socialiste, fédération de sociétés publiques conduite par une société secrète, sorte de petit état-major révolutionnaire dont les quelques membres devaient avoir « le diable au corps »  : il recruta surtout des adhérents en Italie et en Espagne. Bakounine demanda à entrer dans l’inter- nationale en 1869, et le sociahsme et l’anar- cliisme, en tant que partis, ont eu ainsi un point d’attache commun. Mais aussitôt écla- tait l’opposition entre le Russe et le Juif allemand, deux natures également obstinées et dominatrices  : Bakounine, avec son tempé- rament ardent, prêt à l’action ; Marx, straté- giste dissimulé, doctrinaire, méthodique, qui, plein du sentiment de son infaillibilité, a écrit, avec la patience et la subtilité d’un commentateur du Talmud, le livre saint du socialisme, le Capital-. A l’antipa-

1. Tarde. Reme des Deux Mondes du la novembre 1893.

2. Die Nation du 16 décembre 1893. De Kropotklne à Vaillant, par ^’athaQ.


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thie des caractères s’ajoutait l’hostilité des doctrines  : ces deux hégéliens ne s’enten- daient pas plus sur la société idéale que sur les moyens de la réaliser. Bakounine écar- tait le sutfrage universel, et reprochait d’autre part à Marx ses allures de dictateur au sein du conseil général de l’Association. L’Inter- nationale était un gouvernement centralisé. Bakounine voulait au contraire que chaque section fût autonome, afin que l’organisation actuelle offrît une image fidèle de la société de l’avenir. Marx prétendait que son adver- saire cherchait à mettre toutes les forces de l’Internationale au service de sa société secrète. Bref, le monde était trop étroit pour ces deux hommes qui ne songeaient qu’à le bouleverser ; et l’histoire de l’Internationale est en partie celle de leur antagonisme. Les forces des deux partis se mesurèrent en 1872 au congrès de La Haye, où la rupture se fit entre anarchistes et démocrates socialistes. L’exclusion de Bakounine et de ses partisans affaiblit l’association ; et Marx, en proposant de transporter à New-York le siège de son conseil général, en hâta la tin. Après la rup- ture, les délégués espagnols, belges, du Jura, à la suite d’un congrès tenu à Saint-Imier, dans le canton de Berne, en 1872, fondèrent une alliance de socialistes antiautorilaires, qui se développa sous le nom de fédération ro- mane, puis JMrassie>i?!e sans direction centrale. En 1873, à Genève, se tint le sixième con- grès général de l’Internationale séparée des marxistes, et c’est alors que, pour la pre- mière fois, le mol anarchie, emprunté à Prou- dhon, fut appliqué à un parti, prononcé par le docteur Paul Brousse, devenu depuis con- seiller municipal socialiste centralisateur, et qui défendait alors avec exaltation les prin- cipes de Bakounine  : l’abstention électorale et la révolte permanente. Brousse s’écrait  : (. Vous voulez abattre l’édifice de l’autorité. Vanarchie est voire programme. Encore un coup de hache, et tout s’effondrera. » A un autre congrès, réuni à Londres du 14 au 19 juillet 1881, grâce à l’initiative de Most et du réfugié russe Hartmann, quarante délé- gués anarchistes, parmi lesquels ceux des groupes de Lyon, de Vienne, de Marseille, (entèrent de reconstituer une grande société sous le titre d’Association internationale des ouvriers socialistes révolutionnaires, avec co- mité principal à Londres, sous-comités à Paris, à Genève, à New-York et des sections partout où il y aurait un nombre suffisant d"adeptes. Most recommandait des groupes irès peu nombreux, par crainte de trahison, disséminés en différents quartiers, en diffé- rentes villes, en différents pays, et une pro- pagande surtout d’homme à homme  ; les


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