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Page:Say et Chailley-Bert - Nouveau dictionnaire d'économie politique, supplément.djvu/53

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NATIONAUX


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BIENS NATIONAUX


soulc charge par lui de pourvoir de la ma- nièie qu’il entendrait au but qu’avaient eu en vue les bienfaiteurs. C’est ce système qui |irt!valut, et un décret du 2 novembre mit « à la disposition de la nation tous les biens ilu clergé, sauf à pourvoir d’une façon con- venable à la décence du culte et à la subsis- tance de ses ministres ».

Quelle était la valeur en capital et revenu des biens saisis parce décret ? Il est impossible de le dire avec précision, aucun inventaire, aucun état, aucun recolement n’ayant été fait. Cette quantité de biens meubles et immeubles existant dans toutes les communes de France fut ainsi attribuée à l’État sans qu’il en ait été dressé d’autre état que quelques listes partielles et très incomplètes.

Le revenu des immeubles donnant un pro- duit fut estimé plusieurs fois, dans la dis- cussion qui eut lieu à l’Assemblée consti- tuante, à 60 ou 70 millions, mais sans qu’on apportât de chiffres certains à l’appui. C’est ■ce chiffre — 60 millions de revenus — qu’a adopté M. Léonce de Lavergne dans son Economie rurale de la France et il pense que le capital valait bien 3 milliards. M. Taine croit ces chiffres trop faibles et il estime que le revenu seul s’élevait entre 80 et 100 mil- lions. M. Léouzon-le-Duc, dans un travail très étudié inséré au Journal des économistes (août •1881), cite divers documents d’où il résulte •que le revenu de ces immeubles n’allait pas à moins de 110 millions.

A quoi il faut ajouter les immeubles ne donnant pas de revenus  : églises, chapelles, évèchés, presbytères, séminaires qui d’abord laissés à leur destination primitive furent ensuite saisis comme le reste, puis tous les objets mobiliers, c’est-à-dire l’argenterie des églises contenant, outre beaucoup d’objets ayant une valeur seulement matérielle, des objets d’art d’un prix inestimable.

2. Des biens des associations privées et des éta- blissements charitables.

« Avec votre principe, avait dit à l’Assem- blée pendant la discussion Miir de Boisgelin, archevêque d’Aix, vous pouvez dépouiller h’s hôpitaux, puis les particuliers mêmes. » Et c’est en efîet ce qui eut lieu. Un décret de la Convention des 19-24 mars 1793, déclara que les biens des hôpitaux, hospices, bureaux de charité et enfin de toutes les fondations ayant un but charitable étaient acquis à la Nation qui d’ailleurs se chargeait de secourir les malheureux comme elle s’était chargée de subvenir aux dépenses du culte. Le mobilier des confréries, associations privées et pieuses qui soignaient les malades et ensevelissaient les pauvres fut saisi aussi.


Après les fondations charitables, vinrent celles destinées à l’enseignement. Nombre d’entre elles faisaient partie des biens ecclé- siasti(iues, mais il s’en trouvait en dehors  : un décret du 8-10 mars 1793 ordonna la vente des biens appartenant aux collèges, un autre décret du 24 juillet suivant déclara nationaux les biens des académies et sociétés littéraires supprimées l’année précédente.

Puis ce fut le tour des sociétés qui, par leur but même, ne tenaient en rien à l’ordre poli- tique ou religieux auquel on faisait la guerre. Ln décret du 24 avril-2 mai 179.3 déclara na- tionaux les biens « des ci-devant compagnies d’archers, arquebusiers, arbalétriers ». Ces sociétés étaient nombreuses, surtout dans les campagnes où elles offraient une distraction honnête aux gens de l’endroit. Beaucoup avaient reçu des libéralités en forme de fon- dations, ce qui leur assurait un revenu suf- fisant souvent pour couvrir les dépenses courantes. Ce sont ces biens que saisit la Convention, après avoir prononcé la dissolu- tion des sociétés qui en avaient la jouis- sance.

Les biens des grandes compagnies colo- niales ou financières furent également attri- bués à la Nation.

Il est absolument impossible de donner même une estimation approximative de la valeur de ces divers biens. Le seul chiffre que nous ayons se trouve dans l’un des rapports faits en 1790 parle u Comité de mendicité » {c’était une commission formée de membres de l’Assemblée constituante et chargée d’exa- miner les questions concernant l’assistance). 11 estime que le revenu des établissements charitables alors existant, de ceux du moins qu’il a pu recenser, s’élevait à 32 millions au moins.

3. Les biens des émigrés et des condamnés.

Le patrimoine des particuliers ne fut pas plus épargné que celui des associations. Un décret de février 1792 mit sous séquestre les biens des émigrés, un autre décret des 2 et G septembre suivant les attribua à la Nation, et c’est seulement l’année suivante qu’un autre décret définit qui étaient les émigrés. C’étaient tous ceux qui se trouvaient absents de leur domicile et la liste était dressée dans chaque commune par la municipalité  ; on devine à quels abus donnèrent lieu les ins- criptions. On mit, sur la liste, des morts dont on voulait avoir la succession, on y mit ceux que l’on voulait dépouiller, on y inscrivit même un ministre, Monge, qui en effet était à Paris et absent par suite de son domicile ordinaire.

Un autre décret (12 janvier 1794) déclara


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