Papy, a porté le chiffre des morts à cinquante, d’autres à cent. Cinquante, cent morts dans une émeute d’hommes désarmés !! Nul doute, comme l’a dit Me Papy, que cette fusillade de noirs venus, sous la garantie de la loi, exercer leur droit électoral, n’eût pesé comme circonstance atténuante dans les plateaux de la justice punissant les dévastateurs ; nul doute qu’elle n’eût éveillé au sein de la métropole les sentiments d’humanité qui ont de si profondes racines en France.
§ 4. — partialité en faveur de trois blancs accusés du meurtre d’un noir.
Le fait que nous allons rapporter permettra d’apprécier
les sentiments qui animaient le parquet et l’administration.
Le 20 juin, lorsque l’agitation de la veille fermentait encore
partout à Marie-Galante, trois blancs. Guillaume (Henri),
Sauvaire (Oscar), Ludolphe, assassinent un pauvre nègre
inoffensif nommé Jean-Charles. Le ministère public reste
d’abord inactif ; mis en demeure par un procès verbal que
dresse et que lui transmet le commissaire central, M. Babeau
(mulâtre enlevé depuis à ces fonction), il commence
une instruction : mais les meurtriers avertis avaient eu le
temps de prendre la fuite. Six mois se passent ; enfin, le 15
janvier 1850, au moment où la Chambre d’accusation allait
rendre son arrêt de renvoi devant les assises, touchant les
prévenus de couleur, le second substitut du procureur général,
M. Poyen, requiert le non-lieu à l’égard des accusés
blancs. Le réquisitoire se fondait, entre autres raisons, sur
celle-ci : « Attendu, s’il est vrai que Jean-Charles est décédé
sur l’habitation des Basses dans les derniers jours du mois
de juin, que la procédure ne révèle pas suffisamment que cette
mort ait été la suite d’un crime ; que les nombreuses contradictions
qui existent dans la déclaration d’un des témoins
sont de nature à faire naître des doutes sur le fait en lui-même
alors surtout qu’il est constaté par des lettres écrites par les trois
personnes désignées comme ayant pris part à ce prétendu
meurtre, que celle dénoncée comme l’auteur principal de ce
crime n’aurait fait aucun usage de ses armes, etc. »