Aller au contenu

Page:Schœlcher - Le procès de Marie-Galante, 1851.djvu/20

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rapprochée du réquisitoire de M. Poyen, a de significatif ?

Pendant que les nouveaux libres étaient incarcérés sur un simple soupçon, de quels ménagements n’usait-on pas envers trois blancs accusés de meurtre ? Aux uns, on imputait d’affreux projets, tandis qu’on niait presque le crime des autres, bien que la prévention reposât sur l’élément de preuves le plus irrécusable, la matérialité, le corps même du délit ! Si l’on requérait à l’égard des premiers gardés en prison, c’était afin d’obtenir une condamnation ; quant aux seconds, bien loin de là, c’était pour les soustraire au jugement, alors même que leur fuite semblait ajouter aux charges de l’accusation. Ainsi, trois coups de feu tirés sur un nègre par trois blancs laissent des doutes sur le genre de mort de ce malheureux : le magistrat chargé de poursuivre d’office les crimes et délits n’intervient que pour conjurer la rigueur de la loi, et il faut que la Chambre d’accusation passe outre pour que la justice suive son cours ! Est-ce assez éloquent, et peut-on s’étonner après cela que M. Poyen (colon d’ailleurs) ait été, en récompense de sa loyale conviction, nommé tout récemment, par M. Romain-Desfossés, procureur de la République à Saint-Pierre, l’un des premiers sièges des Antilles !

Lorsque les fonctionnaires les plus élevés de l’ordre judiciaire commettent de telles erreurs, quelle confiance peut-on avoir dans leurs appréciations ? Un des côtés les moins étranges de cette lutte de castes est de n’avoir vu sur le banc des accusés que des figures noires et jaunes ! Si de tels contrastes échappent aujourd’hui aux préoccupations de la France, une place leur revient dans l’histoire impartiale des colonies, et le jugement qu’elle portera à son tour sur les actes de la justice de l’époque ne leur manquera pas !


§ 5. — le ministère public abandonne le chef d’accusation de complot.


Nous le répétons, non, il n’y a pas eu de conspiration mulâtre à la Guadeloupe ; la disjonction prononcée d’abord et les débats ensuite sont venus donner à l’administration,