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Page:Schœlcher - Le procès de Marie-Galante, 1851.djvu/37

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« D. Mais ce n’est pas M. Bonneterre qui a tué votre frère. — R. Si ! c’est lui-même qui a ordonné aux soldats de tirer sur mon frère, qui était devant une pièce de cannes.

« Le président : Il fallait obéir aux sommations de l’autorité. — R. Et nos camarades qui étaient tués ? Si c’étaient vos camarades, vous auriez fait comme nous ; nous faisions la guerre.

« D. Quelle idée aviez-vous quand vous apportiez la paille ? — R. Quelle idée avait aussi M. Théophile Bonneterre ? C’était la guerre. » (Interrogatoire de Faustin, Jean-Baptiste, Progrès.)

Cette idée de guerre se retrouve partout, Claude (habitation Mayoubé) s’écrie : « Tout ce monde, qui vient aujourd’hui pour déposer contre nous, a fait la guerre aussi ; maintenant ils viennent faire des mensonges ! » Les noirs ne comprenaient pas autrement l’injustifiable arrestation de M. François Germain, et l’usage que la milice et les marins avaient fait si précipitamment de leurs armes.

L’accusé Antoine dit encore : « Un gendarme m’a assommé de coups de chaînes ; il tue disait : oh ! le coquin ! on ne donne plus de coups de fouet, mais je f… des coups de chaînes. Tous les béquais (tous les blancs) de la Capesterre n’entendent pas plus raison que les soldats : pour rien ils tirent des coups de fusil sur les nègres. »

Cétout, au président, qui lui demande pourquoi il a pris un fusil, répond de même : « Les blancs étaient armés, tuaient mes camarades ; j’ai pris un fusil pour me défendre ; la mairie de M. Théophile Bonneterre a toujours eu du désordre. Depuis le dimanche matin, M. Hoüelche disait qu’il ne voulait plus la liberté ; que le fouet allait arriver. Dans un jour, on a tué douze des nôtres, et on les a jetés sans les enterrer. On voulait prendre notre liberté ! Personne ne m’a jamais donné de mauvais conseils ; tout ce que je dis est vrai. Vous ne connaissez donc pas, M. le président, les blancs de Marie-Galante ! Je connais M. Hoüelche, depuis mon enfance je suis à son service, il ne peut pas sentir la liberté ! Quand on a travaillé un an chez certains maîtres de Marie-Galante, ils vous donnent 1 franc ; et,